Comme dans tous mouvements, il y a le visible et l’invisible. La manifestation de samedi contre les introductions d’ours slovènes ou d’ailleurs et contre la « spoliation » des territoires permet de tirer d’autres enseignements que ceux exposer sur les pancartes des manifestants. « La grande marche des Pyrénées » n’est que le début d’une grande lame de fond qui se prépare. La venue de Jean-Louis Borloo à Tarbes demain pourrait être la sonnette d’alarme qui, si elle n’est pas entendue pourrait bien conduire à un tsunami pyrénéen.
Le début d’un grand mouvement
Le défit souhaité par les élus politiques réunis à Saint Gaudens le 19 février de réaliser une manifestation la veille du premièr tour des régionales a été réalisé en 3 semaines. Trois semaines où beaucoup des acteurs étaient occupés à d’autres obligations telles que les divers salons agricoles (Paris puis Tarbes), de nombreux engagements antérieurs et une période de faible mobilisation du fait de l’absence de prédations dans certains départements conséquence de la disparition de plusieurs ours. Le tout doublé par un choix de date peu propice à manifester avec l’ouverture de la pêche. Ce sont néanmoins près de 3000 personnes qui se sont retrouvées, parfois à tour de rôle, sur le pavé tarbais, pour exprimer leur colère.
En 2006, à la première manifestation à Toulouse, ils n’étaient que 500. A la seconde à Luchon, ils étaient 1200 et à la troisième à Bagnères de Bigorre, plus de 5000. L’année 2010 débute très fort avec près de 3000 manifestants. Ceci laisse présager l’intérêt futur des acteurs des territoires de montagne au sujet qui dépasse la seule problématique de l’ours comme nous avons déjà essayé de l’expliquer dans ces colonnes au cours des dernières semaines.
Les vrais enjeux
Hormis le fait que personne ne veut d’importation d’ours « qui n’apporte rien à la biodiversité dans les Pyrénées » comme le précise Henri Nayrou, Président de l’association nationale des élus de la montagne (ANEM) qui regroupe plusieurs milliers d’élus de toutes tendances politiques, il s’agissait, pour les pyrénéens, d’exprimer leur détermination «à ne pas se laisser spolier leur droit de décider de l’avenir de leurs territoires » comme l’ont exprimé Bernard Moules et de nombreux orateurs à l’arrivée de la manifestation.
Le vrai problème est bien celui de la gouvernance des territoires, l’acceptation du fait démocratique de la représentation des élus territoriaux issus d’élections libres. Reléguer les décisions de ces élus au dernier rang derrière celles des fonctionnaires au profit « des fantasmes de quelques associations écologistes sectaires » n’est pas acceptable selon l’ensemble des présents.
Pour faire simple, que diraient les tarbais, si c’était les fonctionnaires de la DREAL (service régional déconcentré du Ministère de l’écologie) ou du Parc National qui décidaient des travaux à réaliser dans les rues de Tarbes à la place du Conseil Municipal ? Il est fort probable que des conflits existeraient.
Une unité renforcée
Au-delà d’une simple manifestation, c’est un renforcement de l’unité autour d’une même idée : une gouvernance démocratique de l’environnement. Sujet abordé au cours du Grenelle de l’environnement notamment à Auch, où le comportement des associations environnementales avaient déjà été fortement critiqué. Comme le rappelle Bernard Moules : « L’unité à nouveau démontrée ce matin, la très forte présence des élus de tous bords politique, les positions des Présidents, tous démocratiquement élus, des Conseils Généraux, de l’ANEM, du Comité de massif, des Chambres d’Agriculture, du Parc National, de la chasse, de la pêche de la forêt, exprimées sur le sujet, sont sans ambigüité ». C’est la première fois depuis le début du conflit en 1988 que l’unité est aussi forte. La liste des signataires de la lettre qui sera envoyée aujourd’hui au Président de la République est significative d’une telle union qui va de l’UMP au Parti Socialiste en passant par le PRG et CPNT. Le Ministère de l’écologie ne peut plus se retrancher derrière le poids des 3000 associations de FNE qui, dans les Pyrénées, ne représentent rien sauf « 8 bobos faisant les clowns avec oursons en peluche sur le pont de l’Alma à Paris ». Bien peu représentatifs !
La mise en cause des associations écologistes
Certaines de ces associations dont les idées philosophiques sont issues de mouvements totalitaires européens des années 30 n’ont guère changées dans leur comportement pour imposer leurs idées dans les Pyrénées et ailleurs. Largement subventionnées par l’Etat, notamment France Nature Environnement (FNE) et ses satellites, c’est en très grande partie avec l’argent du contribuable qu’ils engagent des actions contre les décisions de l’Etat (Natura 2000) et des élus locaux (cas de Gavarnie) parfois avec l’appui de cabinets d’avocats proches d’organisations politico-écologistes. Ce sont les mêmes que nous retrouvons aux élections dans Europe Ecologie tel que François Arcangéli, Président de l’ADET-Pays de l’ours.
Depuis 30 ans, et encore à la veille du premier tour des élections, certaines de ces associations n’hésitent pas à utiliser des faux pour justifier leurs actions. Une telle situation est-elle normale et durable ?
Le Parc National… un camouflet pour Chantal Jouanno
Nous nous souvenons qu’en août / septembre dernier, après consultation de FNE par le cabinet de Chantal Jouanno et les communiqués triomphants de cette organisation avant la décision officielle, la secrétaire d’Etat à l’Ecologie avait purement et simplement « viré », Maris-Lise Broueilh du Conseil d’administration du Parc National pour motif d’appartenance « à une association anti-ours ».
C’était déjà faire fi des décisions du Conseil scientifique du PNP de 2006 hostile à ces introductions. Aujourd’hui, avec la présence d’André Berdou, Président du Parc, à la manifestation de samedi, la signature qu’il appose en bas de la lettre adressée au Président de la République aux côté de celle de Jean Lassalle et le tract électoral qu’il a diffusé en vallée d’Ossau devient un véritable camouflet pour ce ministère qui, manifestement, ne sait rien de la réalité du terrain.
Mieux encore, si Marie-Lise Broueilh a été évincée du Conseil d’Administration du Parc, un des deux vice-présidents du parc est un dirigeant de l’ASPP 65. Ainsi, sur trois membres du bureau du Parc, deux sont des « anti-ours » selon le point de vue « écolo ». Une situation qui ne manque pas d’intérêt pour l’avenir. Est-ce que le ministère va nous « pondre » un quatrième arrêté pour virer le Président et un des vice-présidents. ?
Au-delà de cet incident, l’application du décret du 16 avril 2009 est émaillée de conflits dont le plus important s’est produit en Val d’Azun. Il faut aussi retenir celui du Béarn qui est un refus pur et simple de participer, voir même de reconnaître l’autorité et l’existence du Parc National tout comme Natura 2000. Certains diront que c’est purement politique et électoralistes. En avançant dans le temps, il semble bien que le mal soit plus profond. Josette Durrieu, Présidente du Conseil Général des Hautes-Pyrénées n’a pas hésité à mettre le sujet en avant samedi matin devant les manifestants. Les méthodes d’élaboration de la Charte tout comme le niveau de compétence de ceux qui ont la charge des élaborer sont de plus en plus discutés. . Avant même qu’elle ne soit terminée, le vote de la charte par les communes apparaît de moins en moins évident toujours pour des raisons de gouvernance des territoires et de spoliation des droits des acteurs locaux comme des élus. Concentrer tous les pouvoirs entre les mains d’un seul fonctionnaire, le directeur, assisté de petits chefs dans les vallées, sur lesquels le Préfet n’a aucune prise, ou si peu, constitue un déni de démocratie difficilement acceptable. Ce n’est pas la charte qui est à aménager et à voter mais le décret ministériel qui est à modifier sans son intégralité de même que certains articles de la loi de 2006 transcrits dans le code de l’environnement et malheureusement votée par les parlementaires, députés et sénateurs, qui n’ont pas su lire entre les lignes le désastre qui se dessinait contre la démocratie locale.
Un sujet qui dépasse l’ours mais qui le rejoint à travers les dernières décisions concernant la directive habitat et Natura 2000 qui devient une véritable bombe à retardement probablement pire que l’ours lorsque tout le monde en aura pris conscience.
Natura 2000 en question….
La directive habitat accepté sous le ministère de Ségolène Royal, avait en son temps soulevé de nombreuses interrogations quant aux enjeux territoriaux et aux droits de leurs habitants. L’arrivée d’Alain Jupé au Ministère et son exigence de précisions auprès de l’Union Européenne avait calmé les esprits pour faire passer la pilule. Par la suite, cette directive a connu quelques bousculades avec l’arrivée de Dominique Voynet retoquée pour défaut de consultation des acteurs locaux. Déjà un problème de démocratie. Aujourd’hui, en partie avec l’argent du contribuable français, les associations écologistes sont parvenues à faire condamner la France afin de renforcer le pouvoir écologiste. Un décret a été préparé dans l’intimité et des consultations discrètes ont été menées afin de renforcer les pouvoirs de décision des fonctionnaires et des préfets. Une pétition a été mise à la signature samedi matin et doit être envoyée aujourd’hui, dernier délai de la consultation, par l’ADDIP.
Tous ces sujets, intimement liés, font des Pyrénées une véritable poudrière. Tout le monde est d’accord pour sauvegarder l’environnement, pour renforcer la biodiversité. Mais l’un et l’autre ne peuvent pas se faire sans les femmes et les hommes qui vivent sur les territoires de montagne concernés. Tout doit se faire dans le respect de la démocratie et du dialogue qui sont des héritages historiques vieux comme le temps dans nos vallées. Ces qualités ne semblent pas partagées le Ministère de l’Ecologie et les associations écologistes qui constituent le véritable pouvoir au sein de ce ministère décidément peu compétent et peu informé de la réalité de nos montagnes et de l’histoire qui leur est attachée. Ce patrimoine esdt d’ailleurs méconnu par ceux qui ont en charge l’élaboration de la Charte du Parc National.
Comme nous le voyons, les enjeux ne se limitent pas à la seule problématique de l’ours. Les conflits liés à l’ours ne sont que la conséquence de cette accumulation d’erreurs, d’incompétences et d’ignorance. Il s’agit de savoir si les gouvernants vont longtemps nier le fait démocratique local. Pourquoi les citoyens votent-ils ou, au lendemain des élections régionales, pourquoi ne votent-ils plus ? Quel intérêt de voter et d’exercer ce droit issu de la révolution française pour l’ensemble des français (droit qui existait déjà au Moyen Âge dans plusieurs de nos vallées) si des structures réglementaires « écologistes » donnent tous les pouvoirs à quelques fonctionnaires qui décident de tout, seul et arbitrairement ? C’est instaurer une dictature qui ne dit pas son nom. Enlever le droit d’expression et de décision au peuple c’est l’autoriser à la révolte qui sera son seul moyen d’expression. Est-ce que c’est le but du Ministère de l’Ecologie ?
Voilà sans doute des questions qui seront à poser à Jean-Louis Borloo à l’occasion de sa venue à Tarbes demain.