Suite a sa réalisation de la Trilogie de Bonatti en compagnie de Christophe Dumarest, Kairn.com a décidé d’en savoir un peu plus sur Yann Borgnet : Portrait
J’ai commencé l’escalade à 12 ans en compagnie de Didier Angelloz et du CAF d’Annecy, et l’alpinisme à 15ans, avec Alain Borgnet, mon papa. (traversée lion-hornli au cervin).
A 16 ans, j’ai répété en tête ou réversible quelques itinéraires classiques comme justement la voie Bonatti au Grand Capucin justement, ainsi que d’autres itinéraires comme la voie Cassin à la Cima Grande (Dolomites) ou la voie Ravier au Pilier de l’Embarradère au Pic du Midi d’Ossau.
Depuis 2 ans, je me suis mis bien sérieusement à l’alpinisme avec l’ascension de plusieurs classiques “engagées” : Integrale de Peuterey en 2 jours, l’éperon Walker (Première voies en face Nord des Jorasses), Le pilier central du Freney (Directissime Jori Bardill et classique), Pilier rouge du Brouillard (Directissime, Anneaux magiques et voie Bonatti)…
Je me suis également lancé dans l’ouvertures de cascade (“Visa pour la Norvège” à la Giettaz…) et l’équipement de voies d’escalade (“Entre deux mondes…” à Gramusset).
Aujourd’hui, les projets qui me font le plus rêver sont des enchainements comme celui que nous venons de réaliser avec Christophe. Ce n’est pas uniquement la réalisation d’une performance, mais ce sont des supports au récit et au partage avec autrui. Il y a une logique, un fil conducteur, un angle…
Plusieurs partenaires me soutiennent actuellement dans mes réalisations, et je suis très touché de la confiance qu’ils me donnent :
Eider pour les vêtements, Scarpa pour les chaussures/chaussons, Camp pour le matériel et Béal pour les cordes.
Vous pouvez me suivre dans mes aventures par l’intermédiaire de mon blog : http://yannborgnet.over-blog.com
J’ai aujourd’hui 19ans
Kairn.com : Racontre nous un peu cette trilogie Bonatti que tu as effectuée avec Christophe
Ce voyage, cela fait un moment que Christophe m’en avait parlé. Au début, il devait le réaliser avec le regretté Thomas Emonet, et je devais le rejoindre pour une course.
Avec le décès de celui-ci cette hiver, il m’a donc proposé de faire complètement ce projet avec lui.
Un enchainement aussi logique, partant des Jorasses jusqu’au sommet du Mt blanc, toutes les ascensions étant reliées par un lien… J’étais plus que motivé.
J’ai eu l’occasion de lire les récits de W. Bonatti, et j’ai été impressionné par l’alpinisme qu’il a été. Surement un des plus grand, toute génération confondue !
C’est que lorsqu’on a décidé d’y aller que j’ai pris la mesure de ce que représentait cette enchainement. Partir pour une semaine en montagne, c’était une première pour moi. Le seul enchainement que j’avais réalisé, c’était une trilogie de voie d’escalade à la journée et à côté de chez moi… Cette enchainement Bonatti représentait donc une toute autre ampleur !
J’ai réellement ressenti un sentiment de totale liberté dans cette enchainement. Tout s’organisait au jour le jour, les ascensions, la logistique. Tout a été fait au gré des envies, de la fatigue. Par exemple, lorsqu’on est redescendu dans la vallée italienne du Val Ferret, il devait être 19h30 et le jour se couchait. On savait qu’on devait faire une liaison en vélo, et alors qu’on s’était déjà installée pour manger, sur un coup de tête on a décidé de faire la jonction de nuit… Un grand délire ou on s’est vraiment bien marré. Disons que le vélo n’est pas vraiment notre spécialité ! D’ailleurs, cette escapade à vélo, je l’ai correctement ressentie le lendemain durant la montée à Eccles. J’étais cuit, cette montée a vraiment été difficile pour moi. La détermination, je l’ai en partie trouvée dans cette énergie incommensurable dégagé par cette nature complètement préservée. C’est un des points qui m’a profondément marqué dans ce voyage : un massif du Mt blanc complètement sauvage. Nous n’avons croisé qu’1 cordée et aperçu une de loin en 6j… C’était fantastique ! D’un autre côté, il fallait la plupart du temps faire la trace… Et c’est par le prétexte de la jeunesse que cette corvée me revenait le plus souvent ! Je pense que c’est cette solitude qui m’a également donné les ressources nécessaires pour réaliser cette enchainement. Cette solitude conforte également très largement le lien amical dans la cordée. L’autre est notre seul confident. Passer 6 jours ainsi en montagne avec une personne, forcément ça créé des liens encore plus fort, ça permet de connaitre d’autant plus son compagnon.
Il y a eu des moments difficiles, notamment à la sortie des Jorasses. J’avais vraiment envie de rentrer chez moi… Le bivouac spartiate, la fatigue, la nuit qui n’était pas loin et cette traversée des Jorasses que je connaissais déjà pour l’avoir fait dans le même sens l’année précédente. Canzio était loin, les conditions de la montagne étaient hivernales… Autant d’éléments qui me donnait envie de rentrer ! Arriver à Canzio a réellement été un énorme soulagement pour moi, même si il fallait remettre les couverts le lendemain.
D’ailleurs, cette traversée de Rochefort, je la considérais comme une journée de repos… Tu parles de la journée de repos : 9h à parcourir une arête platrée comme pas possible à tracer, tantôt dans des pentes avalancheuses, tantôt dans des passages d’escalade et de désescalade en rocher évolutif…
Une des difficulté de cette enchainement, ce fût d’enchainer des grosses journées sans jamais aucun repos. Le seul jour ou nous sommes arrivé avant 19h30, c’est à Eccles, où l’ambiance s’est en conséquence bien détendu et ou on a vraiment rigolé comme des gamins, on jouant des sketchs à la Patrick et Philippe !
Sinon quelques frayeurs, un gros vol dans la FN des Jorasses du à la fatigue et une erreur de manip de ma part… et des moment pas agréable (les première dalles du pilier rouge recouvertes d’une petite couche de neige fraiche, les cheminées verglacées en chausson…) et à côté, une multitude de moments forts : le réveil à Canzio au dessus d’une fantastique mer de nuage restera longtemps gravé ! D’ailleurs, ce n’est que ces bons moment que je retiendrait de ce voyage… Les instants difficiles seront vites oubliés !
Concernant ma place dans la cordée, il n’y a pas le mentor et l’élève, mais 2 alpinistes. Nous avons grimpé en réversible ou par bloc de longueurs ! Christophe n’est vraiment pas du style : il n’a que 19 ans donc je ne lui laisse que les longueurs faciles… C’était vraiment au feeling !
Christophe est un véritable ami, et cette amitié ne s’est que renforcé durant cette croisière. Croisière, car nous avons passé 6 jours au dessus d’une mer de nuage, un peu comme l’horizon infini d’un océan, tantôt sur les crêtes de vagues, tantôt dans les creux de vague…
Il m’enseigne beaucoup sur la vie, et il me fait évoluer sur ce que j’ai envie de vivre en montagne. La cordée Bande Dessinée (BD) comme il dit !’
Voir également :
L’interview de Christophe Dumarest sur la Trilogie Bonatti
Le site Internet de Christophe Dumarest