Roc Trip 2013 : le point avec Olivier Obin, grimpeur et équipeur dans les gorges du Tarn

Suite à la conférence-débat qu’il a animé dimanche matin au village du Roc Trip à St-Rome de Dolan, retour avec Olivier Obin, grimpeur et équipeur local sur les problématiques inhérentes à la pratique de l’escalade dans les gorges du Tarn et plus généralement en milieu naturel.

– Kairn : Quel était le thème de la conférence-débat de dimanche ?

– Olivier : L’idée c’est de faire réfléchir la communauté des grimpeurs sur leur prise en charge, leur propre responsabilité, la gestion des sites, savoir comment on va intégrer l’escalade à l’avenir, pour une meilleure prise en compte de la part des élus, des structures de gestion de l’environnement.
On a échangé à la fois sur la vision d’association naturaliste, les problématiques de discussion dans le cadre des procédures de gestion de l’environnement, et on a parlé de la gestion politique, de la prise en compte des propriétaires, du respect du site (intégration à un patrimoine, comment une pratique comme l’escalade va s’intégrer dans les sites sans les détruire).

– Kairn : Comment ressens-tu la position des pouvoirs publics sur l’escalade dans les gorges du Tarn ?

– Olivier : Ce qui ressort de la discussion c’est que nous avons de la chance ici car on a effectué un travail de 5 ans conjointement avec les services de l’Etat, le Conseil Général, la Mairie et tous les autres partenaires. Ici ça se passe plutôt bien puisqu’on a des élus qui savent maintenant ce que c’est que l’escalade, qui le prennent en compte, qui ont une volonté de travail sur les sites d’escalade. On a notamment des projets d’aménagement de toilettes, de parking pour fournir de proposer de bonnes conditions d’accueil au public. Après souvent dans les autres sites en France où il y a des problèmes, la problématique est d’arriver à motiver tous ces partenaires pour qu’ils travaillent ensemble. Ici tous les élus sont bien sensibilisés, c’est le fruit d’un travail que l’on a effectué ces dernières années. Mais ce qui ressort de la discussion, c’est qu’on a beaucoup de travail à faire sur d’autres sites en France pour sensibiliser les élus, créer un dialogue avec les espaces de gestion de l’environnement (parcs nationaux, parcs naturels régionaux qui ne connaissent pas encore bien notre pratique) et si on veut aller vers des positions qui soient plus souples les uns et les autres il faut être capable de se comprendre les uns et les autres. Nous, grimpeurs, savoir comment fonctionne un élu ou comment fonctionne un parc réserve et que d’un autre côté, que eux aussi comprennent les contraintes liées à la pratique de l’escalade.

Klemen Becan réalise hier la seconde ascension de ‘Déssèchement planétaire’ 8c à l’Oasif

(Photo : Dave Graham)

– Kairn : Au niveau de la communauté des grimpeurs qui est souvent anarchique et inorganisée, tu as des idées de sensibilisation là-dessus ?

– Olivier : Il y a deux choses. La première chose c’est que les grimpeurs ont tendance à se cacher derrière les discours : il y a des gens qui polluent plus que nous, y a plus grâve, on ne comprend pas pourquoi on s’en prend à nous, y a des avions de chasse,des chasseurs, des industries,… »C’est un discours classique et ancien qui revient à dire qu’il y a plus pollueur. Il faut sortir de ce discours et être plus conciliant en admettant : « Ok, notre pratique a un incidence, discutons en et trouvons des solutions intermédiaires pour qu’on ne soit pas dans le tout blanc (les grimpeurs font ce qu’ils veulent sur les sites d’escalade) et le tout noir (interdiction de sites et d’équipement). Comment on trouve un entre-deux, un juste milieu qui permet de prendre en compte les problématiques environnementales pour permettre à l’escalade d’exister. Il faut sortir de cet argument de façade qui ne fait pas avancer les choses. Oui, nous ne sommes pas de grands pollueurs mais notre pratique doit être organisée de façon à ce qu’elle soit la plus respectueuse possible du site.

La seconde prise de conscience c’est que sur tous les grands sites en Europe, Margalef, Rodellar, Céüse,…il y a des problèmes, souvent de camping sauvage et de pollution autour des campements avec les problèmes de toilettes. Il faut faire évoluer ces pratiques. Alors c’est sûr que depuis longtemps cela faisait partie de l’escalade pour beaucoup de grimpeurs. Mais sans arrêter, juste faire l’effort d’aller plus loin , de ne pas rester au pied des sites. Que chacun se prenne en main là-dessus et continue à travailler sur le respect du site. Il est évident que si il y a beaucoup de monde qui dort au même endroit, forcément au bout d’un moment il y aura des traces de feux, des zones salies par des détritus et des toilettes,…Cette prise en main, aucune institution ne peut le faire pour nous. Leur seul levier d’action reste l’interdiction (comme à Rodellar où la Gardia tourne et verbalise les pratiquants de camping sauvage).

Voilà, il faut travailler donc dans les discours et les pratiques pour progresser.

– Kairn : Plus concrètement au niveau des gorges du Tarn, suite à l’accident de Pierre Soulé, un rééquipement a été opéré. Détaille nous un peu la tournure des évènements, et les décisions qui ont conduit au rééquipement et au nouveau topo.

– Olivier : Disons que l’accident de Pierre a été un accélérateur dans le sens où la discussion était en route. Il faut savoir que c’est très long de travailler avec les collectivités pour créer des conventions spécifiques au site, convaincre les propriétaires de signer ces conventions. On est passé ici sur du rachat de terrain de la part de la Mairie pour qu’ils deviennent communaux. C’est de l’administratif et c’est très lent. L’accident a accéléré un peu la procédure un peu à ce niveau là. Une fois la phase administrative finie, on est passée à une phase d’entretien, avec un tour des collectivités pour monter les dossiers de subvention croisés (départementaux, régionaux, nationaux et européens) et débloquer un budget important pour à la fois rééquiper 250 voies et travailler sur des sentiers qui subissaient l’érosion.

Belle vue sur Les Vignes et l’entrée des gorges depuis le village du Roc Trip à St-Rome de Dolan

– Kairn : En tant que local, quelle perspective vois-tu pour l’escalade dans les gorges du Tarn à l’avenir ? Ca va encore se développer et s’étendre à ton avis ?

– Olivier : Il faut souligner le rôle du Roc Trip dans la procédure car c’est un évènement qui vient conclure tout le travail effectué pendant 5 ans. Les élus ont mis des sous pour entretenir le site et espèrent des retombées économiques. Ils sont donc d’accord pour refaire une publicisation du site afin que les grimpeurs puissent revenir. Pour répondre à ta question sur l’évolution, dans le cadre du comité de pilotage, on a le droit de continuer à équiper mais on doit demander l’autorisation avant. On est plus dans une phase où on équipe en mettant les gens devant le fait accompli. On demande des autorisations pour équiper, comme là pour le Roc Trip. Par contre nous équipons sur les secteurs existants entre les voies. Il n’y a plus de grand secteur à explorer sur le côté du cirque des Baumes. Nous avons des projets, mais soit dans d’autres gorges, soit en amont ou en aval du site existant pour développer l’escalade dans le haut-niveau, l’initiation et les secteurs d’hiver. Mais concernant le cirque des Baumes on va être dans une phase de stabilisation. L’avenir de l’escalade sur les grands causses se passera ailleurs ! (rires).

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