Suite à l’incident ayat impliqué des sherpas et des alpinistes européen et ayant terminé en pugilat, Paul Bonhomme, guide de haute montagne et fervent pratiquant des expéditions lointaines, nous renvoit un article publié sur son blog et qui anticipait ce genre d’agissements :
‘Engonce dans ma bulle de duvet froissee, entoure d`une gangue de glace delicate, j`apercois a peine les traces qui me permettraient de retrouver, plus bas, ma tente, mon semblant d`humanite.
Tout a coup j`entend un murmure. Je tourne la tete a gauche, a droite … je ne vois rien. Une plainte … plus qu`un murmure c`est une plainte que je percoit. Mais derriere mon masque de ski, entre mes respirations assourdies par la presence du mecanisme qui me distille de l`oxygene, je ne vois rien.
Peut-etre est-ce simplement mon esprit qui me joue des tours ? Apres tout, je viens d`atteindre le toit du monde ! L`euphorie de la reussite d`un tel exploit n`est pas encore retombee … oui, cela doit etre cela.
Je continue ma descente … la plainte persiste, animale. Je continue pourtant, je veux que cela cesse, j`accelere le pas. Mes crampons se prennent dans mon pantalon, je tombe la tete la premiere.
A genoux dans la neige, je ressent tout a coup le froid qui m`assaille.
-30 degres a 8500 m, beau temps le matin, se couvrant a partir de 11h30 … les bribes de la prevision meteo de la veille me reviennent, je n`arrive plus a respirer, je suffoque … remettre mon masque a oxygene, VITE !
Je n`entends plus la plainte lorsque je repars, focalise sur une seule pensee: descendre, sauver ma peau !
De retour a la tente, mon sherpa n`est pas la. Nous avions ete separe au niveau des cordes fixes du ressaut Hillary. Je l`avais attendu au sommet un bon 1/4 d`heure, le cherchant parmis les dizaines de masques qui arrivaient ou repartaient en ce ‘summit day’, en vain. Il devait m`attendre plus bas m`etais-je alors dit.
Cette saison la, plus de 500 personnes ont atteind le Toit du Monde.
Cette saison la, un sherpa fut retrouve mort sous le ressaut Hillary. On cita son nom. Je ne m`en souviens plus.
Dans mon salon de l`autre bout du monde, il y a une photo encadree de quelqu`un qui me ressemble, engonce dans une combinaison en duvet rouge, un sourire fige sous un masque de ski avec une inscription dessous:
’23 avril 2015, Sommet de l`Everest, 8848 m ! »
( Toute ressemblance avec une personne existante serait involontaire …)
02 novembre 2011, je promene mon regard sur les portraits des sherpas ayant gravis l`Everest dans le musee qui leur est dedie a Namche Bazar, Khumbu, Nepal.
Nombre d`entre eux sont morts.
Pourquoi ?
Pourquoi avons-nous exporte dans leur pays des envies et des reves qui ne sont pas les leurs ?
Quelques jours avant, nous etions avec Nico sur la voie des francais au Pumori, cherchant un passage pour atteindre la face sud-ouest. A notre grande surprise nous avons trouve la, une nouvelle fois, des centaines de metres de cordes, enfouies partiellement sous la neige.
Pourquoi ?
Pourquoi, sous pretexte d`assouvir nos reves de conquetes et de gloire, lezarder les montagnes d`autant de fils barbeles ?
Serions-nous en guerre ?
Au risque de me repeter je le redis encore : un reve n`est pas forcement fait pour etre realise !
Sommes-nous si laches pour ne pas comprendre cela ?
Nous qui preferons planter des kilometres de cordes, avaler des dizaines de produits, risquer la vie d`innocents …
Non, tous les moyens ne sont pas bons pour realiser nos reves !
Parce que si nos reves s`averent etre biaises par nos egos, de notre vie ne restera qu`un gout amer … comme celui du sang, ou celui de la guerre …
Paul Bonhomme, Kathmandu, le 09 novembre 2011
(desole pour la ponctuation sommaire due au clavier Nepalais !)