Il fut un temps où les grands‑parents étaient les gardiens naturels de la tribu. Un appel à Mamie, un texto à Papy, et voilà les enfants casés pour le week‑end. Mais cette époque semble peu à peu révolue. De plus en plus de seniors refusent ce rôle de nounou improvisée, et ils le disent haut et fort. Ce n’est ni un caprice ni une crise générationnelle : c’est un vrai tournant culturel.
Des grands‑parents qui reprennent les rênes de leur temps
Ce changement ne vient pas de nulle part. Les seniors d’aujourd’hui ont en tête leurs longues années de travail, les week‑ends sacrifiés pour les enfants malades ou les réunions stressantes. À la retraite, nombreux sont ceux qui décident de se réapproprier leur temps ¹.
Prenons Jean‑Claude, 67 ans, ancien chef de chantier. Chaque mercredi, il suit un cours de sculpture, et le vendredi, c’est randonnée avec les copains. « J’adore mes petits‑enfants, mais je ne suis pas leur baby‑sitter attitré », lâche‑t‑il, le sourire tranquille. Pas de rébellion ici, juste un besoin légitime d’avoir, enfin, du temps pour soi.
Quand la famille ne veut plus rimer avec obligation
Ce phénomène touche toutes les couches sociales et régions. Les grands‑parents ne disent pas non par désamour, mais par volonté de poser des limites. Ils veulent jouer un rôle, oui, mais à leur manière et à leur rythme.
Comme l’explique la sociologue Claude Martin, « la solidarité familiale ne doit pas devenir un dû ». Si l’attachement reste fort, la question centrale est désormais : comment concilier entraide et liberté individuelle ?
Isabelle, 64 ans, a posé des règles dès la naissance de sa première petite‑fille : « Je suis disponible pour les vacances, les anniversaires, mais pas pour les dépannages de dernière minute. » Ce discours, parfois surprenant, évite les malentendus et frustrations.
Une nouvelle jeunesse après 60 ans
C’est un fait : les seniors d’aujourd’hui sont en meilleure santé, plus actifs et plus connectés. L’espérance de vie à la naissance atteint 85,7 ans pour les femmes et 80,0 ans pour les hommes en 2023 ². Et à 65 ans, les femmes peuvent espérer 12 ans sans incapacité, les hommes 10,5 ans ³.
Le saviez‑vous ? Entre 2008 et 2023, la part des années vécues sans incapacité à 65 ans est passée pour les femmes de 44,7 % à 50,8 %, et pour les hommes de 47,7 % à 52,9 % ³.
Cette longévité booste l’envie de projets : voyages, formations, engagement associatif, ou simplement plaisir de vivre sans contraintes. Comme le disent de nombreux grands‑parents : « J’ai élevé mes enfants, j’ai adoré ça, mais je ne veux pas le refaire .» L’idée de la retraite a muté : elle devient une deuxième vie — parfois la plus belle.
Un nouveau contrat affectif à inventer
Évidemment, certains grands‑parents gardent volontiers leurs petits‑enfants, d’autres préfèrent dire non. L’essentiel est l’équilibre : un modèle où aimer ne rime pas avec obligation, où refuser reste normal, et où les familles se réorganisent autrement.
Ce n’est pas un rejet, mais une envie sincère de vivre pleinement cette période attendue. Donner du temps à soi, c’est aussi une preuve d’amour — celle d’affirmer qu’on existe encore par et pour soi.
Les grands‑parents d’aujourd’hui n’ont pas rompu avec la famille ; ils en redéfinissent simplement les contours, avec plus d’authenticité et moins de sacrifice. Et peut‑être, c’est aussi une belle leçon pour les générations suivantes.
Notes de bas de page
- Selon un rapport du COR (Conseil d’orientation des retraites), la « grand‑parentalité active » marque une redéfinition des rôles seniors et de la solidarité familiale : https://www.cor-retraites.fr/sites/default/files/2019-06/doc-2016.pdf
- INSEE, espérance de vie à la naissance (2023) : femmes 85,7 ans, hommes 80,0 ans ; Insee, bilan démographique 2024 : https://www.insee.fr/fr/statistiques/2416631
- DREES, espérance de vie sans incapacité à 65 ans (2023) : femmes 12 ans, hommes 10,5 ans ; https://www.drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2024-12/ER1323M.pdf