Critique : Core, de Chuck Fryberger

Dans la lignée du film « Pure » sorti début 2009, le réalisateur américain Chuck Fryberger vient de nous livrer son second brûlot début mai : « Core ». Tout comme « Pure », l’idée est de présenter de forts grimpeurs moins connus grâce à un enchaînement de séquences portraits. On retrouve entre autres Nalle Hukkataival, Fred Nicole ou Kevin Jorgeson qui étaient déjà apparus sur « Pure ».
Ce qui marque au premier abord, c’est la qualité impressionnante des images. Pour sûr, dès l’introduction du film mettant en scène Shawn Raboutou devant une machine à jouer proposant le jeu des pinces, nous nous doutons que nous sommes proches d’une production cinématographique à gros budget. On piaffe déjà, et les séquences de grimpe n’ont même pas encore commencé !




Alors que sur « Pure » était exclusivement tournée vers le bloc, la nouveauté ici est que la falaise est ici présente, mais en proportion fort modérée. Néanmoins, on apprécie par exemple les ruades du cowboy local BJ Tilden sur les monos de l’affreux « Genetic drifter », pour s’offrir la seconde de ce 8c+ du Wyoming, ou encore l’engagement et la technicité de Matt Wilder dans la première du monolithe de « Cheating reality », 8b+ trad à Devils Thumb (Colorado). Dommage qu’il n’y en ait pas plus, car franchement, les somptueux ralentis, les zooms sur les préhensions, les couleurs et les différents angles de prises de vue qui s’imbriquent parfaitement dans ces deux séquences. Le tout dans un montage dynamique qui à chaque fois ne montre pas toute la totalité de l’ascension mais se focalise sur les mouvements clé, accentuant alors le côté spectaculaire et faisant bien ressortir la difficulté de l’escalade. Le tout est accentué par une bande son particulièrement sympa, passant du rock à l’électro, mais boostant l’ensemble au moment opportun. On se croirait parfois presque à côté du grimpeur lors de son ascension ! «Core », petit condensé d’adrénaline, dévoile véritablement le « cœur de l’escalade » comme indiqué dans la bande annonce




Ce côté si vivant des séquences de grimpe qui fait la qualité de la production et la renommée du réalisateur est aussi présente sur le reste du film consacrée essentiellement au bloc. En effet Chuck Fryberger semble être un passionné du crash-pad,  et consacre la quasi-totalité du DVD à cette pratique. Il tient à nous faire voyager dans des destinations diverses et parfois originales, avec une priorité quasi-exclusive donnée à la première ascension. Ainsi on se retrouve en Europe, comme en Finlande avec Nalle Hukkataival pour apprécier la grimpe locale et la proue de « The Globalist », 8B+. L’Italie est aussi au menu avec Lucas Preti et Michele Caminati sur leurs terrains de jeux de Toscane. Valeur sûre, Rocklands, où l’on reste bouche bée devant  Kevin Jorgeson qui tente de nous justifier son affection du solo, Kilian Fischhuber qui s’envoie en l’air dans son « Airstar project », et, ce qui constitue pour moi le point d’orgue du film, l’ouverture de l’impressionnante arête de « Livin’ Large », 8C par Nalle Hukkataival. Il nous est proposé ici un savant mélange entre grimpe du terroir made in US (avec par exemple un portrait de Matt Wilder et des rushs de Hueco tanks) et « l’exotisme » européen où encore une fois on remarque malheureusement que la France et ses grimpeurs sont oubliés…




Parlons pour finir des côtés moins réussis du film. Tout d’abord l’abus d’excentricités en tout genre qui sont intercalées entre les images de grimpe. C’est sûr, cela donne un côté fun et permet de mieux appréhender la personnalité des acteurs. Mais ces passages sont bien souvent bien trop longs et décalés, n’ayant rien à voir avec le schmilblick. A force, les bidouillages avec ferraris, skateboard, hélicos, saut à l’élastique, ascension de maisons ou de panneaux de circulation, etc…lassent vraiment. Alors soit, on a compris qu’on cherche à immerger le grimpeur dans tout un star system et à proposer un coté cool et plein les yeux, mais cela va un peu trop loin. Autre point décevant, la séquence finale sur Fred Nicole montrant sa première ascension de « L’isola che non ce » (à Amden en Suisse). La voie en plafond, dans un style très proche de ce qui se fait dans la grotte d’« Ali baba » ne ressemble pas à grand-chose et c’est dommage de clôturer le DVD avec une séquence aussi peu haletante.




Ces considérations mises à part, il est tout de même évident que, de par la qualité des images qu’il propose, « Core » se place tout de même comme un prétendant sérieux au film de l’année dans le petit monde de l’escalade sportive.



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