‘Qu’est-ce que l’escalade de compétition apporte à mon développement personnel ? ‘
Telle est la question que nous avons posé aux membres de l’équipe de France handi dirigée par Seb Gnecchi. Une équipe de France qui a de nouveau brillé aux récents championnats du Monde de Gijon avec pas moins de 5 médailles. Chaque année, les athlètes sont de mieux en mieux préparés, les performances de plus en plus sensationnelles et le spectacle fameux.
En quelques lignes, ces champions nous expliquent leurs motivations et décrivent la fibre qui les anime. De beaux témoignages qui incitent à les rejoindre !
Les photos qui illustrent l’article sont de Serge Laurencin et de Fred Barbier.
Mathieu Besnard (champion du Monde 2014)
Il a suffi d’un séjour en colonie de vacance à la montagne pour que le jeune Mathieu, 16 ans à ce moment, soit piqué par le virus de la grimpe. Il décide même d’en faire son métier. Un accident de la route tentera bien de le faire dévier de ses aspirations, mais Mathieu n’en démord pas, au contraire, sa passion lui permet de se rétablir plus vite et au mieux. Aujourd’hui, l’escalade est devenue son métier, son plaisir, un vecteur de rencontre, son monde…Moniteur d’APPN Indépendant, s’il s’est lancé dans la compétition, c’est au départ dans l’idée de développer le handisport dans sa discipline de prédilection. ‘Et puis, faire des belles rencontres…Aujourd’hui, l’équipe de France handi-escalade m’apporte autant de partage humain, que de reconnaissance personnelle et professionnelle.’ En 2013, Mathieu a littéralement dominé la catégorie des déficients physique et Neurologique NPD1, en remportant toutes les compétitions internationales. Il y a quelques jours il concrétise avec un titre de champion du Monde dans la même catégorie.
‘C’est une réelle avancée en termes d’intégration. C’est une chance pour nous de participer et de rencontrer les athlètes de haut niveau. C’est l’occasion de prouver aux autres que l’escalade est accessible à tous. C’est une expérience nouvelle qui motive l’équipe et qui ne peut que nous enrichir.’
Nicolas Moineau (vice-champion du Monde 2014)
‘Je ne fais pas de la compétition pour le plaisir, en fait ça m’apporte surtout des galères. Etre aveugle dans un endroit inconnu et surpeuplé, c’est galère et on ne peut pas dire que l’ambiance me fasse vraiment vibrer. Par contre la compétition est un enjeu suffisant pour prendre l’entraînement au sérieux et faire des efforts que je n’aurais pas fait dans un état d’esprit grimpe loisir. Ces doses d’entraînement font que je passe par des moments difficiles où je me sens fatigué et j’ai l’impression de régresser mais globalement ça m’a vraiment fait progresser. J’ai pris conscience que j’étais capable de faire ces efforts et de grimper dans un niveau supérieur à ce que je faisais avant. Donc même si j’arrête la compétition un jour, je pense que je resterai dans cet objectif de perf mais orienté falaise (c’est quand même là où je me fais plaisir).’
Serge Laurencin (médaille de bronze aux championnats du Monde 2014)
‘Je pratique l’escalade depuis presque 30 ans et j’espère bien continuer encore une cinquantaine d’année… Pour moi l’escalade rime avec entraînement et recherche de performance. Pour ma part la bonne alchimie c’est des potes, un beau caillou et des voies dures ou tu peux taper des tas d’essais en toute liberté.
La compétition…assez curieusement je n’aime pas trop la foule, dix personnes et j’ai toute suite l’impression que les envahisseurs ont débarqué, alors grimper devant un public…Ce qui m’a donné envie de pousser la porte, c’est ce plaisir toujours présent de m’entraîner, de repousser encore un peu plus loin mes propres limites, de me fixer de nouveaux objectifs, le tout agrémenté d’une dose de curiosité….Si en plus je peux faire une belle voie… !
La seule véritable difficulté au sein de l’équipe se sont les goûts musicaux de Sébastien (ndlr : Gnecchi, l’entraineur de l’équipe de France handi)…Cette difficulté résidant surtout dans le fait qu’il pense avoir du goût…’
Mathieu Barbe (vice-champion du Monde 2014), ici au centre
‘Je fais de l’handi-escalade depuis que je suis déficient visuel, et pour moi, cela ressemble toujours à de l’escalade. Je pratique depuis l’âge de vingt ans et j’ai rapidement pris le virus, je n’ai donc pas pu me résigner à arrêter suite à ma lourde chute en via ferrata. Durant mon année en centre de rééducation, j’ai dû réapprendre à marcher et à vivre avec ma déficience visuelle, je n’imaginais pas pouvoir regrimper un jour. Mais après de nombreux essais infructueux, et après avoir repris quelques forces, j’ai enfin réussi à gravir ma première voie (bon ok, une dalle, en moulinette, avec toutes les prises). Et depuis, l’escalade est devenu mon vecteur de rééducation. Les sensations sont certes différentes mais sont toujours très forte et c’est ce qui m’a amené après quelques mois de pratique à vouloir rencontrer d’autres grimpeurs. Grâce à quelques échanges enrichissants et motivants je me suis retrouvé en contact avec l’équipe de France handi-escalade. Et depuis, je m’entraine, je progresse, accompagné de mes guides qui sont toujours présents. J’espère un jour dépasser le niveau que j’avais auparavant et qui n’ai plus très loin de moi…
Il est possible de revivre ma rééducation en montagne en visionnant le court métrage « La vue au bout des doigts » réalisé par Bruno Sedat.’
Yves Le Bissonnais
‘Je peux dire que la compétition renouvelle ma motivation par la rencontre et la confrontation à d’autres grimpeurs concernés par le même type de handicap : après plus de 35 ans de pratique ‘isolé’ au milieu de ‘valides’, cette expérience est très enrichissante, même si malheureusement les problèmes de blessures s’accumulent pour moi ces derniers temps et limitent fortement mes possibilités d’entrainement et d’investissement dans les compétitions; j’espère être de retour rapidement !
Ceci dit je ne vois pas la compétition comme une fin en soi, mais comme un complément stimulant à une pratique équilibrée avec l’escalade en falaise et la haute montagne.’
Phil Ribière
‘La competition handi a toujours été pour moi un rêve. J’ai consacré une douzaine d’années à promouvoir, inciter les fédérations internationales de créer une catégorie handi en même temps que les compétitions ordinaires. Même si certains ne croyaient en rien à cette finalité, mon entêtement a
fini par payer en 2011 lors des Chpts du Monde a Arco ou j’obtiens la seule médaille de l’équipe de France. Soit, le temps passe et les entrainements se succèdent. Même si je n’ai pas d’habitation fixe, je passe mon temps en Slovénie où je me sens bien. Les slovènes ont une autre vision des entrainements et particulièrement avec mon ami et entraineur Urh Cehovin qui fut des années en compétition de bloc dans les années 95-2000. J’avouerais qu’il était difficile pour moi de m’entrainer en France parce que s’entrainer 4 fois par semaine en salle relève d’un budget de ministre et en Slovénie j’ai accès gratuitement aux salles d’escalade. Juste cette année 2014, les salles Vertical Art etAntrebloc me permettent de m’entrainer gratuitement. A titre sportif, le problème récurrent de mon escalade est que je n’;ai pas de force dans les avant-bras, les poignets sont fixes et les bras sont courts. Donc j’ai du redescendre d’un degré de difficulté pour essayer de solliciter les fléchisseurs par des exercices de poutre. En gros, maintenant j’ai un chouilla plus d’allonge et je suis légèrement plus fort. Pour répondre concrètement à la question, les compétitions et les entrainements permettent de structurer ma vie. Le fait de vivre dans un camion depuis 6 ans et de voyager maintenant presque depuis 19ans ; à un moment je dois avoir des règles. C’est paradoxal mais en fait je voulais savoir qu’est-ce que veut dire le mot ‘compétition’, dans quel état est un champion avant son escalade, etc. Les compétitions handi me permettent de me confronter à une certaine réalité : je ne suis pas le plus grand champion handi. Apprendre à contrôler son ego est très important dans la compétition. Au final, j’arrive doucement à m’amuser en compétition pour moins de tensions et beaucoup plus d’efficacité.’
Bonjour, je suis enseignante spécialisée au lycée. Un de mes élève scolarisé en classe de Première est déficient visuel. Il a découvert l’escalade en classe de troisième et depuis il en fait à Altissimo. C’est pour lui une véritable passion. Il souhaiterais faire un métier en lien avec l’escalade. Je souhaiterais l’aider dans ces choix d’orientation mais je n’y connais rien. Pouvez-vous m’aider, aider Esteban. Merci.
Stéphanie MARTIN