Par Henry Bizot
Du 24 aout au 11 septembre 2014, je suis parti en expédition au Kirghizstan, au sein d’une vallée peu explorée, appelée Kischkesuu, de la chaîne de montagnes du Trans Alaï, afin d’y tenter un sommet vierge. Pour cette expédition, j’ai eu des contacts avec des Kirghizes et des Russes, et finalement je suis parti avec un russe de St Pétersbourg, Nikolai Totmyanin. Pour la préparer, j’avais trouvé relativement peu d’informations; je citerai, en particulier, le Guide de l’alpinisme au Kirghizstan de Wladimir Komissarov, et le journal d’une expédition d’une université britannique qui s’est rendue en 2004 dans cette région. Concernant la cartographie, il y a les cartes militaires, et les cartes satellitaires. Ces documents m’ont permis de repérer un certain nombre de sommets vierges, pas d’ascension préalable connue.
Partis d’OCH, nous nous sommes déplacés plein sud sur environ 200 km jusqu’à proximité de la frontière avec le Tadjikistan. De là, nous nous sommes engagés dans la prairie de l’Alaï, qui aboutit à son Est à la Chine, et qui longe à son nord, la chaîne du Trans Alaï, afin de nous rapprocher au maximum en véhicule de l’entrée de notre vallée Kischkesuu. Nous sommes contraints de nous arrêter à environ 4 km de son entrée, en, raison de l’impossibilité de traverser une rivière. Nous implantons notre camp de base sur la prairie, où nous sommes entourés de paysages magnifiques de prairies et, à notre sud, de montagnes de de 5000 à 6000m.
Du camp de base, nous nous engagerons dans la vallée, afin de tenter, depuis un camp d’altitude, l’ascension d’un sommet vierge estimé à environ 5300m, par une arête sur deux versants. Après 9 heures d’ascension, parvenus au col séparant les 2 versants, compte tenu des conditions de neige et de l’horaire, vu la distance qui nous sépare du sommet, nous décidons de nous arrêter. Personnellement, je ne suis pas suffisamment acclimaté; c’est ma 2 expédition après l’ablation, le 5 juillet 2012, d’1/2 poumon atteint du cancer (la 1re était en Juillet 2013 dans les Andes Boliviennes), et c’est vrai que je ressens plus difficilement l’altitude ; avant je serais monté bien plus vite, mais je suis vraiment heureux de pouvoir être ici après ce vécu… Nous redescendons au camp de base.
Le 3 juillet, nous quittons, tous les deux, de nouveau le camp de base pour nous rendre en fond de vallée, nous rapprochant ainsi de la frontière avec le Tadjikistan, afin de tenter un sommet vierge. Il nous faut 6h20 pour parcourir la dizaine de kilomètres sur la moraine et les 800 m de dénivelée, jusqu’à un emplacement où nous implantons notre camp de base. Le lendemain, en 2 heures, nous nous rapprochons de la base de la montagne, gravissons une face sur 300m, pour rejoindre son arête. Nous nous dirigeons vers l’ouest sur l’arête en neige avec des passages en rocher. La dernière partie est plus délicate. Nous parvenons au sommet, qui est une petite plateforme rocheuse, altitude 5200m (GPS). Tradition russe, semblable à celle des Argentins, Nikolaï laisse un papier, avec des informations sur notre ascension, dans un sac plastique, qu’il recouvre de pierres. La tempête arrive, il faut redescendre. Sous des rafales de vent et des chutes de neige, nous empruntons l’itinéraire de montée jusqu’aux 2/3, puis un couloir en neige orienté est. A 19h30, nous rejoignons notre camp d’altitude.
En l’absence d’ascension connue, nous dédions le sommet à ma femme Véronique et à Anna, la femme de Nikolaï, en le baptisant « ?’??????? ? ???? », en Français « Véronique et Anna ». Quant à la voie, nous la dédions à mes 6 garçons et la baptisons « 6 ??????? », en Français « Les 6 frères ».