Interview : Eric Deguil

 

 

1/ Eric en 2 mots, si tu  avais à te présenter ?

En deux mots : Eric Deguil !

Sinon pour faire plus long, je suis originaire de Nîmes où j’ai fait mes premières armes avant de venir à Pau pour concilier étude et kayak. Et je suis resté. Je travaille à la ville comme grimpeur élagueur.

2/ Ton palmarès ?

6 titres de champion de France dans deux disciplines (slalom et descentes).

3° du championnat du monde descente junior par équipe 1998.

3° de la finale de la coupe du monde  slalom junior 1999.

5° de la coupe du monde slalom 2002.

Champion d’Europe slalom par équipe -23 ans 2002. 3° en 2003.

10 ans d’équipe de France slalom.

Champion du monde de boatercross 2010 (ITA).

Vice champion du monde de kayak freeride par équipe 2009. 4° en 2010.

Vainqueur de la Green race 2008 en bateau court.

Vice Greenmen 2008-2009 (USA).

8° des championnats du monde de kayak extrême. 7° en 2010.

Vainqueur de la Pallars extrême race 2010 (SP).

Vainqueur de la Cantabria extrême race 2008 (SP).

Vainqueur du sprint des Teva Extrem Games 2006 (ITA).

Vainqueur du boatercross des Natural Games 2008 (FRA).

Top 8 des freerider mondiaux.

Nomination au « Rider of the year 2009 ». 


3/ Comment en es-tu arrivé au Free ride ?

 Depuis tout jeune, je pratique toute les facettes du canoë-kayak. De la pagaie simple à la pagaie double. Mais mon truc reste l’eau vive. La grosse eau vive…Cela fait maintenant plus de 15 ans que je cours les courses internationales en canoë slalom. De plus en plus, les courses se courent sur des bassins totalement artificiels et entièrement bétonnés. J’avoue que ce côté aseptisé de la discipline ne me fait plus rêver. Du coup je suis revenu au côté naturel de l’eau vive. Celle qui est « libre ». Entre deux coupes du monde je partais me ressourcer avec les copains pour ramer en montagne. La multiplication des courses free ride n’a fait que me pousser un peu plus dans les vrais torrents. Et finalement je n’y vais pas que pour la performance, je m’y sens bien.

4/ Comment va le KAYAK extrême en France ? Et dans les Pyrénées où tu vis actuellement ?

Le kayak extrême en France a beaucoup évolué ces dernières années. Certain faisait un complexe d’infériorité vis-à-vis des stars américaines que l’on croise dans les magazines. En deux ans, avec mes compères de la PEK, on a prouvé le contraire. En course extrême, tout le monde disait que la Green race (USA) était la course la plus dure au monde et que seul un Américain pouvait gagner sur ces terres. Il y a trois ans j’ai fait mon sac. J’ai mémorisé la rivière sur internet. On m’a prêté un kayak sur place, je n’avais pas assez d’argent pour manger et ramer. Une semaine plus tard je remportais la course en bateau court et faisais second au général ! Et le seul Européen à être sur le podium en 13 ans.

Fan de vidéo, je filme tout le temps les copains. Et les Pyrénées n’ont rien à envier à la Californie, il suffit de bien chercher…Depuis deux ans, on discute beaucoup avec les amis espagnols, on s’organise pour se retrouver le plus souvent possible. Et ça paye, tout le monde progresse à tel point qu’en finale du championnat du monde nous étions autant que les alpins . Donc les Pyrénées se portent bien.

5/ La PEK c’est quoi ?

La PEK (Pyrenees Extrem Kayak) c’est la suite logique de tout ça. On a choisi PEK parce que c’est un peu la philosophie du groupe. Le pek en patois est un garçon bien têtu qui n’hésite à mettre le souk. Un peu comme nous quoi ! hahaha.

Le siège de l’association est à Cauterets car c’est notre coin de vadrouille le plus prisé.En juillet, on y est tous les soirs pour pagayer après le travail.

6/ Tes derniers TRIPS ?

En plus de courses nationales en slalom et quelques courses internationales, je cours l’Europe tout les ans pour les courses de kayak extrême. Entre deux courses on navigue en péripherie de l’évènement. Sinon chaque année, on part plus loin. Canada, Costa Rica, et cette année Mexique.

7/ Et le Mexique ? Tu t’es fais bobo alors

Nous sommes partis 5 semaines au Mexique avec en dernière semaine une grosse course extrême.

Malheureusement je ne suis resté que 10 jours. Un des passages importants du trip était la cascade de Tomata dans l’état du Véracruz. Une  chute d’eau verticale de 25 mètres. Malgré le niveau bas, j’ai décidé avec Eneko, un pote basque, de franchir la cascade. Il fallait un vol parfait. Le mien méritait 9 sur 10. Du coup ça s’est terminé aux urgences d’un hôpital du Moyen-Age avec une triple fracture lombaire. Cela fait 3 mois maintenant. J’ai trop joué avec la limite, j’en suis conscient. Je n’aurais pas de seconde chance.

8/ Après cet accident, comment vois tu ta remise à l’eau ?

Je suis déjà sur l’eau ! Depuis une semaine je navigue sur l’eau plate à Pau. Ça participe à ma rééducation et mentalement c’est un gros soulagement. Si tu te demandes si mon crash va m’empêcher d’envoyer du bois, je ne crois pas. Bien sùr que les grosses chutes de plus de 20 mètres ne sont plus au programme. Il reste encore tellement de choses à faire et découvrir !

9/ Comment se passe une journée de grosse rivière et grosses chutes ?

Comme pour tout sport de montagne, tu contrôles la météo. Ensuite tu te renseignes sur les niveaux d’eau. Puis tu prépares ton matos en fonction du parcours convoité. Quand c’est très engagé, nous embarquons tôt en matinée. Celui qui ouvre la rivière est soit celui qui connait les lieux (soit moi parce que je veux toujours doubler ! hahaha) . Gros passage ou grosse chute c’est pareil. Nous préparons tout pour éviter les problèmes. Pause de cordes, mains courantes, un sauveteur encordé… . Dans la PEK , nous savons tous manier les cordes. Il y a des grimpeurs, des élagueurs, des canyoneurs. Ça peut paraître paradoxale de faire tout ça pour faire du kayak. On s’adapte simplement au terrain. C’est important pour celui qui va franchir la chute que tout soit fait pour être en sécurité. Puis la performance n’est pas que personnel, c’est celle d’un groupe en fin de compte.

10/ Tes futurs projets ?

Des projets j’en ai beaucoup ! Les plus gros arrivent : La Triple Crown. Nous comptons être les premiers européens à réaliser la descente de l’Alsek, la Stikine et la Susitna river (Alaska, Colombie britannique). Le tout en moins d’un mois. Dans le monde du kayak c’est l’Everest. Seuls 15 ou 20 pagayeurs ont réussi. En moins d’un mois, encore moins… .C’est pour septembre 2011. Nous manquons cruellement de soutien. Le monde de la montagne ne semble pas sensible à notre projet. Nous sommes sur les même terrains de jeu pourtant.

Sinon, je pense toujours être champion du monde en 2012 de canoë descente en France.

11/ Selon toi comment va évoluer le Kayak extrême ?

Je crois que la course à la chute la plus haute va vite se calmer. Tyler Bradt vient de franchir 57 mètres. C’est bon, on devrait s’arrêter là. Les blessés se multiplient … .Par contre je pense que les expéditions vont se multiplier à travers le monde, en Chine notamment ou en Patagonie, le Gröenland.

Côté compétition, ça se spécialise de plus en plus . Très bientôt avec la multiplication des courses et des coupes du monde officielles des « pro » risquent réellement d’apparaître…

12/ Que penses tu des records de chute ? Quel est l’objectif ?

Tyler Bradt vient de franchir 57 mètres. D’après l’accéléromètre qu’il portait lors de ce record, il semble avoir atteint la vitesse de chute maximale. Ce qui voudrait dire que l’on pourrait sauter de plus haut. Mais les risques deviennent irraisonnés. Tyler vient de passer au billard pour 32 malheureux mètres frôlant le fauteuil roulant. Dans cette course on cherche tous l’adrénaline. Mais c’est les conséquences qui nous rattraperons. L’argent ne suffira pas pour compenser nos jambes.

13/ Et alors, nous avons appris que tu reviens a la compétition ?

Et oui, je reprends du service à très haut niveau en descente mais je ne quitte pas la vraie rivière. Après quelques courses, Franck Peyrical et moi sommes leader nationaux en canoë biplace. Avec mon dos ça semble compromis pour cette année mais l’an prochain, j’annonce ! Après j’arrête, je laisse ça aux jeunes. J’ai plein de choses à partager avec eux.

14/ Pour finir, Eric, quel message pourrais tu faire passer a la nouvelle génération de kayakiste ?

Tout d’abord qu’ils n’oublient pas d’où ils viennent. La rivière est fragile, nous sommes entrain de la faire disparaître. A jouer avec dame nature, l’humanité s’en mordra les doigts. Nous avons tous une volonté, il leur faut agir pour sauver ce qui peut l’être. Le kayak est pour moi un moyen de la connaître et de s’épanouir . Surtout qu’ils s’amusent les jeunes. Il y a des belles choses à découvrir. Seulement un kayakiste vivant est un kayakiste raisonnable.

Laisser un commentaire

5 × 1 =