Interview : Robert Paragot, 4ème piolet d’Or Carrière

Robert Paragot est le 4ème Piolet d’Or Carrière, désormais rebaptisé « Prix Walter Bonatti ». A l’occasion d’une séance de dédicace pour son dernier livre « Paris camp de base » (publié aux Éditions Guérin), Kairn en a profité pour aller lui poser quelques questions.

Kairn.com : Qu’est ce que ça fait d’avoir été choisi, après Bonatti, Messner et Scott, pour recevoir ce Prix Walter Bonatti ? Cet hommage vous touche til ? Pourquoi l’avoir accepté ?

Robert Paragot : Eh bien je suis flatté et honoré, je ne m’y attendais pas ! Au début je me demandais aussi pourquoi moi plutôt qu’un autre et puis je me suis dit qu’après tout, si mes pairs en ont décidé ainsi…Alors je suis content, c’est quand même une distinction importante, premier français en plus c’est pas mal, j’espère que ça fait plaisir aux autres aussi !

En tant qu’ancien président d’institutions de montagne (NDLR : GHM de 1965 à 1975, FFME de 1997 à 1999), que pensez-vous que cette cérémonie apporte à la communauté alpine et au grand public ?

Elle apporte ce qu’a pu apporter en son temps le prix du cristal que j’avais crée à la FFME quand j’étais le président du comité de l’Himalaya. Pour moi c’est la suite renforcée du cristal qui n’est plus, car le cristal était limité aux seuls exploits des grimpeurs français tandis que là c’est international, alors c’est un peu plus grandiose quand même ! Et là je parle vraiment pour les nominés qui ont su réaliser des grandes choses, c’est bien qu’ils soient reconnus par la communauté.

Qu’ils obtiennent une reconnaissance médiatique plus vaste !

Bien sur ! Ça fait connaître un peu ce qui se fait sur la planète, des jeunes gens et des jeunes filles qui se bousculent pour faire des belles choses. On dit toujours du mal de la jeunesse mais moi je dis que quand on veut faire quelque chose, eh bien on réalise son rêve, sa passion et ces jeunes le font très bien.

Qu’est ce que vous pensez du travail de Christian Trommsdorf à la tête du Groupe de Haute Montagne ?

Eh bien c’est superbe ! Christian c’est un garçon remarquable, je lui tire mon chapeau car il a une continuité dans l’esprit du GHM de l’origine, car ça va bientôt faire 100 ans que le Club existe. Alors vous vous rendez compte, un club presque centenaire qui continue à vivre de cette façon là, c’est formidable !

Votre plus belle ascension, celle dont vous êtes le plus fier ?

Je vais répondre que c’est comme l’amour, c’est la première fois ! Donc c’est l’Aconcagua !

La pire ?!

Il n’y en a pas de pire ! Ou alors je dirais que la pire, c’est quand il y a eu un drame. Déjà à l’Aconcagua, mes petits camarades avaient perdu leurs doigts de pied et une partie des mains. Mais celle qui m’a le plus marqué, c’est quand même au Huascaran avec la disparition d’un de mes camarades qui s’appelait Leprince Ringuet . Ce qui est quand même dur à supporter, la perte d’un copain, surtout après la réussite. (NDLR : Dominique LeprinceRinguet a fait une chute mortelle à la descente de la face sud)

Avez vous connu des phases de fou rire en haute altitude ?

Souvent oui ! Des fois aussi non pas l’angoisse mais le fait d’être impressionné, dans le grand mauvais temps ou les grandes difficultés. Mais globalement j’ai toujours pratiqué l’alpinisme avec humour et bonheur, surtout avec un compagnon qui m’était très cher et qui était Lucien Bérardini.

Votre meilleur compagnon de cordée !

Oh que oui ! C’est évident que tous les deux, on était en osmose complète. Si j’ai à dédicacer quelque chose, c’est à lui. Ce matin encore, j’ai été au cimetière lui rendre visite.

Et le pire compagnon de cordée que vous ayez eu ?!

Je n’en ai jamais eu de mauvais ! Je les choisissais toujours de valeur donc je n’avais pas de problème !

Êtes vous amateur de littérature de montagne ?

A mes débuts j’ai beaucoup lu, ça m’a beaucoup influencé. Si je me suis mis à faire de l’alpinisme, c’est grâce aux livres de montagne que j’ai découvert très jeune, notamment « Premier de cordée » de Frison Roche. Et puis les récits des alpinistes qui faisaient des grandes choses à l’époque, il y avait leurs noms étalés dans les journaux, ça compte beaucoup, ça m’avait impressionné. Mais j’ai eu des exemples donnés par ces anciens qui m’ont ouvert les yeux et aussi ouvert le chemin, alors j’ai pris le même chemin qu’eux et maintenant ce sont ces jeunes qui continuent eux aussi sur le même chemin, derrière moi…

Pour finir, quelques extraits du questionnaire de Bernard Pivot. Votre mot préféré ?

Merde quand ça se passe mal !

Votre drogue favorite ?

Le pinard, le rouge !

Votre juron préféré ? On a donc dit merde…

Oui merde !

Le métier que vous n’auriez pas aimé faire ?

Pour moi il n’y a pas de sot métier! J’aurais accepté n’importe quoi plutôt que d’être chômeur. Ça c’est insupportable pour moi, les jeunes qui aimeraient bien travailler mais qui ne trouvent pas de boulot, je me mets à leur place, je serais malheureux. J’ai eu ce bonheur de vivre pendant les 30 glorieuses une activité professionnelle privilégiée, c’était une époque où quand je quittais un patron, je traversais la rue et j’en trouvais un autre! La situation actuelle n’est plus la même et c’est angoissant.

Si Dieu existe, qu’aimeriez-vous, après votre mort, l’entendre vous dire ?

Alors le si est très important car je ne suis pas croyant, je ne suis même baptisé. Donc je ne crois pas en un dieu quelconque. Par contre je crois à la nature, je crois être une poussière d’étoile, comme tout le monde. Mais si vraiment il existait et que je le rencontre, je le saluerais bien bas et je le respecterais beaucoup, comme je respecte ceux qui croient en Dieu.

Si cela se peut, en quoi aimeriez vous être réincarné ? Animal, fleur, élément ?

Ah non si je devais être réincarné ce serait en Robert Paragot, pour recommencer tout ce que j’ai fait !!

Repères biographiques :

http://www.pioletsdor.com/index.php?option=com_content&view=article&id=215&Itemid=322&lang=fr

Bibliographie :

  • Makalu pilier Ouest en collaboration avec Yannick Seigneur, éd. Arthaud, Paris, 1972
  • Vingt ans de cordée en collaboration avec Lucien Bérardini, éd. Flammarion, Paris, 1974 et éd. Arthaud, Paris, 1998. (A LIRE ABSOLUMENT!)
  • Paris camp de base en collaboration avec Sophie Cuenot, éd. Guérin, Chamonix, 2010.

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