Les 25 heures des 25 bosses

LES 25 BOSSES PENDANT 25 HEURES !

Ce dimanche de pâques, je me suis réveillé bien tôt. Il y a quelques années c’était l’heure à laquelle je me couchais ! Mais ce dimanche de pâques était un peu différent des autres. Et si je me suis réveillé à 5h du mat’ en espérant que mon téléphone soit suffisamment intelligent pour gérer le changement d’heure, c’est que je suis allé rejoindre Pascal (Kalou pour les intimes) dans la forêt de fontainebleau pour faire les 25 bosses ! Pour un départ à 7h. Mais là encore cette sortie était un peu différente. Parce que Pascal était parti à 16H30 la veille !!! Et qu’il avait déjà fait 4 tours ! Et que son objectif était de courir pendant 25h sur le parcours des 25 Bosses ! Cette fois ci je n’ai pas trop pensé à mes petits bobos, ni à mes problèmes existentiels qui n’en sont pas. Je suis venu, comme toute la bande, pour faire quelques bosses avec cet illuminé fort sympathique.
Faut dire que son idée est tout bonnement admirable. Les 25 bosses, c’est un peu son jardin. C’est ici qu’il s’est entrainé avant l’UTMB et bien d’autres courses. Et c’est parfois lorsqu’on s’éloigne qu’on prend pleinement conscience des richesses qui nous entoure au quotidien. Pourquoi aller au bout du monde quand on a un aussi beau terrain de jeu. Mais dans son esprit le fric n’a pas sa place ici, les dossards non plus et les sponsors n’ont pas été conviés. ! Avant de partir vivre sur l’île des chiens errants, il est venu dire au revoir à ce lieu magique et aux copains qui sont venus faire quelques bornes à ses côtés.
Mais c’est encore lui qui en parle le mieux, voici son compte rendu :

‘ Par où commencer…voilà surement le plus compliqué.

L’idée de départ est simplement de joindre l’utile à l’agréable. Alors on choisit tout d’abord un cadre enchanteur. Déchargez-y une bonne pelleté de copains, saupoudrez généreusement de bonne humeur et de convivialité, une pincée de solidarité…et l’alchimie opère par elle-même.

Ainsi, ce week-end vécu avec et à travers vous, restera un souvenir indélébile. Et soyez assurés qu’il vaut encore davantage que tous les plus ‘beaux’ dossards, ceux que la plupart de nos congénères coureurs rêvent d’endosser un jour…

Mais plutôt que s’éparpiller en étalage émotionnel et en remerciements infinis (car ils méritent de l’être), reprenons plutôt les choses dans l’ordre chronologique.

Comme chaque sortie organisée, quelle qu’en soit la durée ou l’ampleur, les salutations et autres présentations sont de rigueur sur le parking. Le temps de se mettre dans l’ambiance, serrer les lacets et enfiler les sacs à dos, nous sommes prêts. Quelques minutes à peine après l’heure prévue, c’est une troupe de 9 coureurs qui prendront le départ du 1er tour avec moi, à 16h35. Certains se connaissent, d’autres non, mais qu’importe. La convivialité fait rapidement écho et les discussions vont bon train. Tant et si bien que les séances jardinages et réunions Tupperware (pour employer des termes du jargon runnistique mais accessibles aux profanes) prennent le pas sur le chrono qui tourne. Cet événement est avant tout un rassemblent de passionnés et solidaires, mais je me suis fixé tout de même un objectif difficile à atteindre, d’autant plus si je n’y colle pas sur les premiers tours. Aux deux tiers de la boucle, Olivier me fait la réflexion judicieuse de prendre le large si je veux rester dans les temps. Alors on cesse les bavardages, je remercie mes acolytes et m’excuse platement de devoir leur fausser compagnie avant de mettre le coup d’accélérateur nécessaire. Je termine cette première boucle à 19h30, heure à laquelle je voulais commencer la seconde…

Alors on ne traîne pas au ravitaillement pour démarrer la seconde boucle à 19h40. Seul David, déjà présent sur la première, m’y accompagnera. Pendant que nous remontons le chemin qui nous amène du parking au circuit, nous entendons les compères du premier tour arriver par le chemin parallèle en lâchant leurs dernières forces dans des vociférations encourageantes. Cris bienveillants auxquels je ne peux que répondre, merci encore! Cette deuxième boucle sera l’occasion de faire la connaissance de David, partager nos visions de la course et plus généralement de certains aspects de la vie. Mais les discussions se font plus saccadées que lors du tour précédent, profitant de n’être que binôme pour rattraper quelques précieuses minutes. En effet, cela permit de revenir sur les bases envisagées et terminer ce tour à 22h30. Un immense merci à mon unique camarade de ce tour et surtout un grand bravo pour ses deux boucles en moins de 6h dont une de nuit!

En arrivant au parking, tous les camarades du troisième tour sont déjà là, dont Laurent qui repique pour une deuxième boucle après avoir effectué la première et passé la seconde au bar/resto/camping-car de Nico. Le fond de l’air est plus frais, je prie encore pour que la météo tienne la route mais j’ignore encore que c’est en vain… Nous prenons la route à 22h45 avec mes 6 comparses. Tous connaissent les lieux sauf Gilles, pour qui ce baptême de nuit s’avèrera épique dès qu’une pluie intense viendra s’inviter avant même la moitié du circuit! Les rochers deviennent de véritables savons, les racines sembleraient même huilées alors que le moindre creux dans le sol forme une flaque, une mare, une piscine… La force du nombre et d’une fraîcheur physique et mentale encore intacte permet tout de même d’affronter cette boucle avec bonhomie, bien qu’ayant fait un mauvais choix stratégique vestimentaire (partir avec une simple veste coupe-vent mais non imperméable). Malgré les conditions, retour avec 5 minutes d’avance au parking à 2h55…Mais cette nuit-là, 1h vient de disparaître dans un gouffre spatio-temporel Marty! Faudrait en toucher deux mots à Doc…
Remercier vivement les collègues de ce tour humide et nocturne avant de s’engouffrer dans la voiture pour se changer intégralement. David (un autre, cette fois-ci) m’avait promis de faire les deux tours du cœur de la nuit il y a plusieurs semaines déjà. Mais vu ce que nous venons d’essuyer ces deux dernières heures, je comprendrais volontiers qu’il se rétracte pour la seconde partie des réjouissances…Et non. Même pas. Un gars droit dans ses bottes de pompier (qu’il avait tout de même laissées à la caserne pour l’occasion). Je reste donc quelques minutes dans la voiture pour me changer et ravitailler pendant que David part faire de même dans le camping-car salvateur. Nous repartons donc tous les deux pour cette 4ème boucle. Une petite fatigue générale commence à faire son apparition, de celle où l’on irait avec joie se glisser sous une couette chaude, au sec. Mais encore rien de musculaire à l’horizon. Je sais toutefois que si la pluie continue de nous asséner son courroux durant toute la nuit, cette boucle sera marquée du sceau du cauchemar. Hélas, ces prévisions pessimistes ne feront que se confirmer au fil des minutes. Rien ne se calme par rapport au tour précédent, au contraire même. David me fait un peu la conversation par moment, aussi bien pour se rappeler l’un à l’autre que nous sommes toujours vivants mais également pour ironiser sur la situation…Car dans ces moment-là, c’est bel et bien le second degré qui peut être le meilleur allié d’un mental d’acier qui commence à rouiller. Chaque pas nécessite de redoubler de vigilance et de concentration pour éviter la catastrophe dans ce dédale de rochers acérés et de racines invisibles. A mesure que la fatigue grandit, une idée germe jusqu’à devenir suffisamment concrète pour que je l’affirme auprès de mon compagnon d’infortune : ‘Il n’y aura pas de 7ème tour…plus assez de jus, et trop dépensé en concentration sur ces deux tours de nuit’. Il a la délicatesse et l’écoute d’aller dans mon sens…finalement, compte tenu des conditions, 6 tours en moins de 22h serait déjà chouette! Revenus au parking peu avant 7h du matin, tous les complices du prochain tour sont déjà là et m’accueillent sous des applaudissements qui réchauffent le cœur à défaut du reste d’un corps endolori.

Je prends deux minutes pour expliquer à la petite assemblée que je viens de passer quelques heures ‘dans le dur’ et les prie de m’excuser de les faire poireauter trente minutes de plus avant de repartir. La pause s’impose comme le dirait un panneau de signalisation autoroutière. J’explique à Saby qu’il n’y aura très certainement pas de 7ème tour et qu’il faudra alors prévenir à temps pour éviter aux derniers accompagnateurs de se pointer inutilement. J’incline au maximum le siège de la voiture pour m’y allonger lorsque deux minutes après, c’est David qui vient ouvrir la porte pour me dire au revoir. Emporté dans mon élan de fatigue, je n’ai même pas pris la peine de remercier mon pote de galère, de congratuler mon frère d’arme…qui après avoir tenu parole et partagé ce calvaire en ma compagnie partait en caserne démarrer 24h de garde. Respect monsieur!

C’est donc à 7h30, quelque peu reposé et bien ravitaillé que nous reprenons la route avec 9 camarades, dont Nicolas qui était déjà présent la veille lors du premier tour. Saby me demande ce qu’il en est du 7ème tour…’Ne dis rien pour l’instant en fait, on verra à la fin de celui-ci’. Le jour eut la politesse de se lever avant que mes fesses n’amorcent un mouvement hors de la Clio et dégager quelques nuages récalcitrants. Ces améliorations météorologiques mêlées à la bonne humeur de la petite troupe levée aux aurores pour m’accompagner me ragaillardissent. Ce cinquième tour démarre sous de bien meilleurs hospices que les deux précédents malgré la fatigue. Les comparses sont rigolards et parleurs, je tente de coller à la discussion mais je pense que mes réponses sont bien laconiques pour l’occasion. Et en même temps, lorsqu’on s’applique à avancer tout en conversant, cela évite de penser…et c’est bien ce qui rendra cette boucle plus clémente. Plus on approche de la fin, plus j’envisage la possibilité d’un septième tour (donc de repartir pour deux autres plutôt qu’un seul)…Puis ce n’est pas comme si l’insistance encourageante de Yohan depuis plus d’une heure faisait tout pour m’y pousser. Retour au parking à 11h, la décision d’un temps de ravitaillement un peu plus long est prise en même temps que celle de faire 7 tours.

Arrivés en milieu de matinée et ayant planté le barnum pour témoigner de leur engagement sur les lieux ainsi que promouvoir leurs actions de prévention, la fin de ce tour est l’occasion de rencontrer et d’échanger quelques mots avec les membres de l’AFF (association des amis de la forêt de Fontainebleau). Cette association de passionnés œuvre pour préserver l’intégrité des lieux de grosses manifestations dégradantes que certains magnats de l’organisation sportive seraient tentés de mettre en place à des fins purement lucratives.

Après la distribution de goodies, le moment est parfaitement choisi pour sortir ma botte secrète, mon arme de digestion massive : le p’tit plat lyophilisé. Chaud et consistant, tout ce dont j’ai besoin passé un certain temps. Après les au revoir, il est temps de repartir pour cette 6ème boucle sur les coups de 11h30. Nicolas (le maître du camping-car cette fois-ci) vient pour sa deuxième boucle après avoir fait la 3ème au milieu de la nuit, ainsi que Nathan qui lui enchaîne avec la précédente. C’est donc ce charmant trio qui repart sous un ciel incertain…et l’incertitude sera maître mot lors des trois prochaines heures. A croire que Nico fait exprès de choisir les moments pourris…à moins qu’il ne les provoque ? Mettre la veste imperméable, l’enlever…ah non, la remettre. Ce petit jeu durera tout le long de la boucle. Juste ce qu’il faut pour être désagréable en terme de gestuelle, mais pas assez pour rendre à nouveau le terrain aussi glissant que pendant la nuit. La matinée ayant permis de sécher correctement les rochers. Bien que la fatigue se pointe aussi pour son second tour, Nathan commence à sérieusement envisager de m’accompagner sur le dernier tour…son troisième! Alors qu’il n’a jamais parcouru une telle distance (et surtout sur un terrain si technique), le voilà penser aller plus loin que ce que ses jambes semblent lui dicter. Mais…ne serais-tu pas ‘traileur’ par hasard?

Retour au parking à 15h05 et l’émotion est à son comble. Il me reste un tour à parcourir mais lorsque j’arrive, toutes les promesses sont déjà là. Les copains coureurs et d’autres complètements étrangers à cette pratique ont fait le déplacement pour le finish. Encore quelques salutations aux activistes bienveillants et nécessaires de l’AFF qui plient bagages. Des cuisses en pierre massive me font comprendre que si l’objectif de 25h est hors de propos, celui de rester sous 26h est parfaitement gérable. Il s’agit pour cela de s’octroyer 15 minutes de ravitaillement et boucler le dernier tour en marche rapide en moins de 4h15. Nous partons donc pour cette ultime promenade à 15h20, quelques coureurs avec moi (dont Nathan pour sa troisième d’affilée!), mais la plupart des potes promeneurs partent dans l’autre sens pour que nous nous croisions en fonction de nos rythmes respectifs.

Plus qu’une marche rapide, la première partie de la boucle (et la plus difficile) allant du Mont Pivot à la Justice de Chambergeot se fait finalement au même rythme que les deux tours précédents, en à peine moins d’une heure. Un coup d’œil sur la montre me fait comprendre que bien que peu probable, passer sous 25h est réalisable avec la dose d’endorphine nécessaire. Et c’est exactement ce qui va se produire peu à peu : la sensation d’une ligne d’arrivée à portée de baskets, la douleur musculaire comme moteur cérébral et la présence de ‘pacers’ en or pour me galvaniser, je vais me remettre à courir comme sur le premier tour pour ne plus m’arrêter. En croisant les copains promeneurs à environ une heure de l’arrivée, Guillaume et Daphnée rejoignent ce groupe (avec la bienveillance de les guider à travers les chemins pour arriver avant moi au parking et m’y accueillir). Je finis tambour battant et bave aux lèvres avec JC et Ranz’ pour compagnons de la dernière heure. Je cours, je crache, je vole et je pleure…autant la souffrance est là, autant les rochers redeviennent les petits tremplins sautillants que j’affectionne tant lorsque je n’effectue qu’une seule boucle du parcours. Jetant toutes les dernières forces dans la bataille, je n’ai plus une goutte d’eau arrivé au Potala. A partir de cet instant, je ne demanderai que deux fois de l’eau à mes compères sans cesser de courir, puis la ligne d’arrivée puisse être ralliée en moins de 45 minutes. C’est ainsi que s’achève l’aventure de ces ‘pas tout à fait’ 25h des 25 bosses. Un dernier tour en 2h55 pour un total de 24h40.

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Epilogue

En quelques chiffres, c’est environ 110km et 6200m de dénivelé dans chaque sens sur un terrain pas toujours facile. Que vous ayez couru un tour ou deux (voire trois!), simplement fait un coucou d’encouragement sur le parking, c’est surtout 30 000 mercis! C’est-à-dire 1000 mercis pour chacune des 30 trombines présentes sur ce week-end.

On ne saurait passer à côté d’un gigantesque extra méga big-up au trio de logisticiens aux p’tits oignons : Saby, Nico et Guillaume. Avoir été là de la première minute à la dernière seconde, les réconforts, les petites attentions, les guidages de groupe, la réception de pélerins égarés aux chaussures crottées dans un camping-car initialement propre… Rien de tout cela n’était possible sans vous.

Et enfin, la solidarité a fonctionné à plein régime! Merci infiniment du fond du coeur pour L’éveil en face et la Trail Runner Foundation. La petite boîte aux dons est bien remplie…mais elle ne sera ouverte pour faire le décompte final qu’après réception de quelques dons encore attendus par voie postale. Pour les camarades qui n’ont pu être présents sur les lieux et voudraient envoyer un petit geste de participation à l’aventure, c’est encore faisable à : Association L’éveil en Face, 14 rue Jean Louis 94250 GENTILLY.

Le départ dans les îles pour moi est après-demain. Quitter la région par ces lieux que j’aime tant, entouré de vous tous, dans la joie, la convivialité…mais aussi la douleur, les doutes et les larmes. C’est juste la plus belle allégorie de la vie que l’on puisse imaginer. C’est juste trop d’amour pour stocker dans mon p’tit cœur de coureur tout ça… ‘

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