En octobre 2013, les grimpeurs Anglais Mike « Twid » Turner, Jerry Gore, Calum Muskett et le cameraman français Raphaël JOCHAUD (CAF de Lyon) ont grimpé la face Sud-Est de la tour sud du Paine (Cette face, encore jamais grimpée, reste un des derniers grands problèmes dans le massif des tours de Paine).
La tour sud de Paine (2500m ) se situe dans le parc national des Tours de Paine au Nord de Puerto-Natales (Chili). La face Sud-Est est l’une des dernières faces non ouverte dans l’ensemble de cette région de la Patagonie. Il s’agit d’un mur d’un kilomètre de large sur 800m de haut. Le granite est compact, il ne dispose d’aucun système de fissures continues évident. Avec son exposition Sud-Est, le matin est doux quand le soleil pointe le bout de son nez. Cette falaise est un mélange de couleurs. En son socle, le granite est gris. Avec la blancheur pure de la neige que le vent dépose dans les moindres petites fissures il prend un visage glacial. Au dessus, le granite est orangé. Il est plus compact et sa couleur éclate au soleil. C’est rassurant. Très vite le soleil disparaît derrière les montagnes et rapidement la dureté des températures patagoniennes se font ressentir. Elles oscillent entre 0 et -15 °C. Vous prenez tout ce savant mélange et vous obtenez l’un des plus emblématiques murs dans le monde à escalader. Un soupçon de chance avec la météo sera nécessaire et surtout beaucoup de persévérance pour tenir le coup quand les vents commenceront à rugir.
L’équipe des trois grimpeurs et le caméraman acrobatique se donnent 21 jours pour arriver au sommet. Ils savent que les conditions météo sont très sévères mais ils sont confiants. Ce n’est pas l’heure de douter même si l’enjeu est quand même très élevé.
Après quelques jours de portage le camp de base et le camp 1 sont installés. Le 20 octobre, la première cordée se lance à l’assaut de la paroi. Elle retrouve assez vite les traces du passage de Twid et Stuart McAleese qui en 2006 avaient réussi à en gravir les deux tiers. Malheureusement le mauvais temps les avait fait fuir à l’époque.
Les 200 premiers mètres se grimpent sur une dalle inclinée, gelée et très compacte où la mise en place de solides protections s’avère très difficile. Le granite rose de la partie supérieure est plus agréable pour une progression en libre. Malheureusement le froid impose souvent de rechausser les grosses chaussures de montagne alors que les chaussons escalade seraient plus adéquats pour grimper du 7b sur coinceur. A 20 ans, Calum Muskett étonne par sa résistance au froid. Il est le seul capable de rester plus de deux heures en chaussons d’escalade.
Twid a sorti de belles longueurs en A3 et Jerry a suivi par une très jolie longueur en A2. Un réel engagement et des nerfs solides y sont nécessaires. Il est important de ne pas oublier la contribution de Raphaël Jochaud qui s’est avéré une clé de voûte sociale et un chef cuisinier hors pair.
La technique de progression retenue consiste à poser des cordes fixes sur les 800 premiers mètres de l’ascension. Cette méthode ralentit la progression car chaque jour il faut remonter jusqu’au point le plus haut, puis installer les cordes fixes des longueurs suivantes, pour redescendre ensuite au camp 1. C’est une contrainte mais cette solution apporte un confort et une sécurité non négligeables quand on sait que le temps change très rapidement sans réelle prévision possible. A n’importe quel moment, il est ainsi possible de redescendre en moins de deux heures.
Après 15 jours d?ascension, il ne reste plus que 200 m pour atteindre le sommet. Tout le monde est confiant et se laisse à rêver de la future croix à mettre sur le topo. Mais les 7 derniers jours sont atroces : vents violents, tempête, neige, « spindrif ». Tout est réuni pour contrarier l’expédition. Après quelques tentatives et trois jours d’attente sous la tente, un créneau se profile à l’horizon. Heureusement pour eux, car c’est le dernier jour.
Twid et Calum suivi de Raphaël se lancent alors et remonte les 800 m de cordes fixes. Il ne leur reste que 100 m de corde fixe à poser car les 100 derniers mètres ne sont qu’une rampe facile de rochers inclinés et qu’une pente de neige à 30°. Mais l’espoir est de courte durée, les vents redoublent de violence et le temps court contre eux s’ils ne veulent pas rater leur avion. Ils ont juste le temps de récupérer le matériel sur la paroi pour redescendre au camp 1, le démonter. Puis rejoindre le camp de base, faire les sacs et retourner à l’aéroport.
Partagés entre le sentiment d’avoir réussi à gravir un big wall mais d’avoir échoué l’ascension finale de ce sommet emblématique, les 4 compagnons fêtent quand même leur victoire partielle. Ils sont surtout heureux d’être tous réunis autour d?une bonne bière et de discuter de leurs prochaines aventures.