A l’époque, l’extrême et la surenchère n’avaient pas (encore) droit de cité. Si les alpinistes faisaient la une de l’actualité, c’est parce que leurs quêtes étaient parfaitement compréhensibles et leurs exploits facilement identifiables. En tous lieux et en toutes circonstances, les chevaliers de l’altitude portaient haut les valeurs le courage, la fraternité, la solidarité les plus élémentaires. Entre 1950 et 1970, Robert Paragot récompensé le 24 mars dernier d’un Piolet d’or pour l’ensemble de sa carrière fut l’un des acteurs essentiels de cette phalange. De manière d’autant plus probante que les origines de ce « Parigot » étaient modestes, son humilité sans pareille et son sens du partage reconnu de tous. « Paragot ou la bonne humeur personnifiée. »
C’est Lionel Terray, le mythique « Conquérant de l’inutile », qui le dit. Un rassembleur et un passeur. Un maillon fort. Un chef de bande. Aujourd’hui encore, lorsqu’on lui rend visite, dans la vallée de Bièvre, près de Paris, au plus haut d’une résidence perchée dans la forêt, c’est ce même tempérament qui vous accueille. Ses 84 ans n’y changent rien, ni ses jambes qui le portent un peu moins bien, ni même le regret d’avoir abandonné, il y a peu, le ski et les marches au long cours. Si « la carcasse suit moins bien », la tête n’est jamais à la traîne. Ni les boutades, ni les blagues, qui toujours accompagnent son propos. « J’ai eu une belle vie, une très belle vie. » L’aveu à valeur de bénédiction. Aucun regret, aucune aigreur, si ce n’est le détour trop souvent répété par le « camping définitif » où reposent beaucoup de ses compagnons disparus.
Photo coll Kairn.com