Depuis longtemps maintenant, cette face bien connue des alpinistes attire mon attention. Si le couloir N.W offre une belle ligne aux grimpeurs, son exposition, son étroitesse par endroit et son rappel final obligatoire attirent pour le moment, peu d’amateurs de ski. C’est au cours d’une balade dans la Coume de l’Ours avec mon pote Axel que nous avons découvert un couloir parallèle au N.W. Une ligne esthétique, raide et enclavée entre les rochers. Et, ce jour-là, comme il nous restait pas mal de temps, la remontée de ce couloir s’imposait…
Le bas n’est pas franchement raide (40°) mais le cadre si sublime, est un appel à l’ascension ! Une centaine de mètres plus haut, la ligne forme un Y, se terminant d’un côté sous un bloc coincé et continuant de l’autre, derrière les rochers. Il m’est alors nécessaire de poursuivre l’exploration de cette voie. La raideur s’accentue et la dureté de la neige ce jour-là ajoute une touche de piment à l’aventure. En contrebas, on devine la silhouette de mon pote posté sur un rocher et immortalisant ce moment par quelques clichés.
Soudain, arrivé à un col, je me rends alors compte que je domine la voie « Viorrain ». Dedans une cordée d’alpinistes avance tranquillement en corde tendue. Je me demande encore ce qu’on du penser ces derniers quand ils m’ont vu débarquer à ce col, les skis accrochés au sac…
Le sommet n’est plus très loin et de cet endroit s’offre une vue bien insolite qu’habituellement seuls les alpinistes ont la chance de voir en grimpant les derniers contreforts de la face ouest. L’antenne immense et le télescope veillent sur nous, le cadre est grandiose.
Pas le temps de papillonner pour autant car mon pote m’attend, face à cette curiosité il a déjà fait preuve d’une grande patience et hors de question de le laisser poireauter plus longtemps. À l’aide du piolet, je taille une marche pour chausser les skis, la dureté du manteau neigeux m’invite tout de même à prendre quelques secondes de plus, afin de bien exécuter la manip !
Et c’est parti, pour une belle descente ! Le haut du couloir est raide et la neige vraiment béton, pendant quelques secondes, je me demande vraiment ce que je fiche là-dedans. Puis après quelques virages, je prends confiance car le manteau neigeux semble bien accrocher…
Arrivé en bas, heureux, s’effectuent les retrouvailles avec mon acolyte resté perché sur son rocher et qui n’a visiblement pas perdu une miette de cette escapade. Il range son matos photo, chausse ses skis puis nous filons ensemble le sourire aux lèvres en direction du vallon d’Arizes. En chemin, je me demande si beaucoup de gens sont déjà passés par là… Des histoires sur le pic, il y en a eu mais dans cette face la seule dont j’ai eu écho et celle de Jean Paul Destrade qui a skié le N.W avec un ami à lui.
Ils sont descendus jusqu’au ressaut de glace puis ont tiré un rappel pour sortir de la face. Une ligne très esthétique et engagée. En parlant avec d’autres skieurs, ils m’affirment que cette face ne se skie pas intégralement… Et si personne n’avait fait attention à ce petit col cachant ce merveilleux couloir ?! Et si ce dernier était la clé de la face ? Sachant que le couloir ne sort pas au sommet, d’un point de vue éthique : compte-t’il ?!
Ah l’éternel débat de la pente raide… Faire la croix tout en gardant de l’éthique.
Pendant une dizaine de jours, les questions affluent et je me repasse en boucle les photos prises au col et alors une hypothèse me vient :
Pourquoi ne pas tenter une traversée depuis le col pour rejoindre la Viorrain afin de rallier le sommet ?
Je dois aller voir, juste pour en être certain…
Jeudi 30 Avril 2015
Je termine en fin de matinée mon travail et compte profiter de mon temps libre pour descendre en rappel du sommet, jusqu’à la fameuse traversée afin de voir à quoi celle-ci ressemble et être fixé sur le fait qu’elle soit tout simplement skiable ou non. En route, je rencontre à Arizes Benoit, un copain qui vient de faire une descente du Pic et qui remonte en stop.
Il m’informe qu’il a pas mal neigé ces derniers jours mais que la nuit précédente cela a resserré et qu’en haut du Pic, la neige vient tout juste de décailler, un bon point pour moi… En arrivant au sommet, s’effectue alors la traversée de la crête menant aux murets blancs pour aller jumeler la fameuse traversée. Effectivement, il a beaucoup neigé ces derniers jours et les passages qui étaient secs il y a une semaine, semblent maintenant passer. Je repère une ligne bien fournie sous le gros télescope. Le manteau neigeux semble lui, optimal…
Aucun doute, je dois aller voir !
Le départ est tout simplement sublime, perché au dessus des rochers s’enchainent des virages dans une belle neige de printemps. Derrière, l’antenne et le télescope dépassent encore. S’engager seul dans cette face qui m’a fait rêvé depuis tant de temps… Bon dieu que c’est excitant !!
Arrivé alors à un petit ressaut de glace, le passage s’avère être beaucoup trop raide et surtout inskiable, aussi la décision d’aller voir de l’autre côté de la lèvre est prise et… Bingo !! Je retrouve la pente de neige jumelée depuis les crêtes. Au fond, on aperçoit mon col et la fameuse écharpe de neige pour traverser.
Cette dernière surplombe l’autre couloir, le passage est majestueux et à cet instant précis, je m’estime vraiment chanceux d’être à cet endroit. J’essaie d’immortaliser la scène par un «selfie» mais l’inclinaison ne permet pas de faire trop de mouvements alors tant pis, je prends quelques photos tant bien que mal et repars en direction du col. C’est à cet endroit que se situe, à mon avis, la difficulté de la voie, un passage raide (50°) puis une traversée exposée formant le crux. S’il n’y a aucune difficulté technique majeure, c’est surtout l’exposition qui corse la chose et oblige le skieur à rester ultra vigilant.
Quelques minutes plus tard, me voici enfin au fameux col ! À cet instant précis, je le sais : la face Ouest se skie intégralement !!
La neige est vraiment bien meilleure que lors de la première descente, je relâche enfin la pression ! Coincé entre les rochers, donnant sur la coume de l’Ours, quelle ambiance, quel after work de fou tout de même ! Et dire que ce matin, je bossais, et que là je suis en train de skier sur l’une de mes montagnes préférées, en cochant le projet de mon hiver !
Désolé pour le retard de ce billet, je tenais à attendre la réouverture du Pic du Midi pour publier l’article ! Je vous souhaite un très bel été et vous invite à continuer de nous suivre car cette année, on restera branché même l’été… Alors STAY TUNED !
Enfin, je tiens à remercier mon pote Axel pour ses superbes clichés et pour sa patience!
Texte : Anthony Bonal
a découvrir sur http://powwowmag.com/
Photo Axel Plagnard
Et bah voilà, plusieurs années après avoir lu ton article, j’ai pu faire ce RUN aujourd’hui ! Face ouest intégrale, merci pour l’aide topo 👌