Il est parti, encordé à sa cliente, dans la face nord-ouest du Grünhorn. Happé par l’infini. Il nous a quittés le 30 avril, un jour qui était aussi celui de sa naissance. Triste anniversaire. Un léger décalage dans le réel, ce rayon de soleil qui danse sur l’arête gelée, puis le brouillard; la morsure intérieure; une seconde qui a le poids de l’infini. Il n’y a d’autre destin que celui que les autres écrivent à votre place. Il était Erhard Loretan, le virtuose de la glace, des rocs, du vent et de la lumière. Un des grands alpinistes de notre temps. Il a parcouru les quatorze 8000 de la planète, dont certains par des itinéraires d’une audace incroyable. Il a apprivoisé les abîmes et sa propre peur, franchi la ligne invisible qui sépare les étoiles du silence. Il était toujours revenu. Jusqu’à cette ultime sortie face à la Konkordiaplatz. Il disait: «L’essentiel n’est pas le sommet, c’est de rentrer…»