Installé depuis plus de quinze ans dans la plaine de la Crau, Thierry cultive sa ferme en bio et partage sa récolte avec plus de 460 familles via une Amap. Récemment, il a tiré la sonnette d’alarme sur l’utilisation de glyphosate dans les canaux d’irrigation voisins, au risque de perdre sa certification. Depuis, cet homme de conviction fait face à des intimidations, tout en continuant de défendre la santé des sols et de ses clients.
Sa certification bio en péril
Lors d’un contrôle inopiné en mai, l’inspectrice d’Ecocert a relevé des herbes jaunies le long des canaux bordant la ferme de Thierry, signes selon elle de traces de glyphosate provenant des parcelles voisines. Craignant une contamination de son forage, l’agriculteur doit désormais multiplier les analyses pour préserver son label biologique, obtenu dès 2007 après une reconversion totale de son exploitation.

Cela fait plusieurs années que l’agriculteur interpelle ses voisins
Passionné par la qualité de son sol – « 6,5 % de matière organique, c’est exceptionnel ! » – Thierry a d’abord tenté le dialogue avec ses confrères dès 2020. Photos à l’appui, il a proposé des alternatives, distribué gratuitement de l’acide pélargonique, et même rédigé une charte pour bannir les herbicides de synthèse. En dépit de ces efforts, les pratiques chimiques perdurent sur les bords de route et dans les fossés.

Une plainte contre X déposée
Alertée par France Nature Environnement Provence-Alpes-Côte d’Azur, la justice a lancé une enquête pour non-respect des zones de non-traitement des canaux d’irrigation. Thierry est officiellement reconnu comme lanceur d’alerte, défendant l’intérêt général face à des pratiques interdites qui menacent les nappes alimentant 300 000 personnes dans la région.

« On m’a dit qu’on allait “s’occuper” de moi »
Depuis sa prise de parole, Thierry reçoit appels anonymes et menaces : « J’ai dormi dans ma caravane, craignant qu’on brûle mon hangar. » Le 12 juillet, il a consigné ces intimidations dans une main courante. Les insultes de “délateur” n’entament pas sa détermination : « Je suis convaincu que je sauve des vies. »

Une génération d’agriculteurs « tombée comme des mouches »
Fils et petit-fils de paysans, Thierry a vu son père succomber à un lymphome reconnu comme maladie professionnelle par la MSA. Dans son entourage, cancers et maladies neurodégénératives se sont multipliés, victimes des pesticides. Cette réalité familiale lui a donné la force de rompre avec le tabou et de militer pour des pratiques plus sûres.

Responsabilité envers ses adhérents
Chaque semaine, Thierry livre ses légumes aux « Amapiens » de Martigues et Salon-de-Provence, en toute transparence sur les risques encourus et sa propre maladie de la thyroïde liée aux polluants. Pour Catherine, adhérente depuis vingt ans, son engagement est vital : « Son alerte doit perdurer, sinon tout retombe comme un soufflet. » Une réunion prévue en novembre rassemblera producteurs et consommateurs pour débattre d’alternatives concrètes au glyphosate.
