10 000 stations d’épuration vont produire du carburant vert

Imaginez vos eaux usées transformées en carburant pour navires : bienvenue dans l’ère de la valorisation circulaire, où nos stations d’épuration deviennent de véritables usines à énergie.

Pourquoi le secteur maritime a besoin d’alternatives

Le transport maritime représente 2,9 % des émissions mondiales de CO₂, selon l’Organisation maritime internationale¹, un chiffre comparable à celui de l’aviation civile. Les porte-conteneurs actuels, motorisés au fioul lourd, libèrent chaque année des dizaines de milliers de tonnes de gaz à effet de serre. Trouver un combustible moins polluant est donc devenu urgent pour respecter les objectifs de l’Accord de Paris et limiter le réchauffement climatique.

Comment fonctionne Mannheim 001 ?

Inaugurée le 24 mars 2025 à Mannheim², cette installation pilote repose sur une idée simple : récupérer le biogaz issu de la dégradation des boues d’épuration, y extraire le CO₂, puis le combiner à de l’hydrogène vert – produit sur place par électrolyse de l’eau à partir d’énergies renouvelables. Sous l’action d’un catalyseur, le mélange se transforme en méthanol neutre en carbone. J’ai pu observer, lors de la visite, des conteneurs modulaires empilés à la manière d’un Rubik’s Cube industriel, abritant ces procédés physico-chimiques (KIT).

Un carburant… et un réactif industriel

Au-delà du transport maritime, le méthanol produit trouve sa place dans l’industrie chimique (fabrication de solvants, de plastiques ou d’adhésifs), sans concurrencer les terres agricoles, contrairement aux agrocarburants. Il devient à la fois un vecteur énergétique et un moyen de stocker le carbone capté, ouvrant la voie à une chimie plus sobre en émissions.

Une avancée pour l’autonomie énergétique

En valorisant les déchets d’origine urbaine, l’Allemagne, qui compte près de 10 000 stations d’épuration, pourrait générer 1,2 million de tonnes de méthanol renouvelable par an³, estime la start-up ICODOS, issue du KIT. Cette production locale réduit la dépendance aux importations de carburants fossiles, tout en renforçant la souveraineté énergétique européenne.

Une start-up née de la recherche fondamentale

ICODOS GmbH est née au sein du Karlsruhe Institute of Technology. Son procédé breveté combine génie des microprocessés et catalyse avancée. L’ambition de ses fondateurs : déployer ce modèle sur d’autres stations d’épuration en Allemagne, puis à l’étranger, pour étendre rapidement cette économie circulaire.

Une vitrine technologique et politique

Lors de l’inauguration, le ministre fédéral des Transports a rappelé que la neutralité carbone ne repose pas sur une seule solution, mais sur un mix énergétique adapté à chaque usage. Le méthanol renouvelable, particulièrement adapté aux moteurs marins, s’inscrit ainsi aux côtés de l’hydrogène et de l’électrification.

Le saviez-vous ?

Les stations d’épuration françaises traitent chaque jour 32 millions de m³ d’eaux usées, un gisement d’énergie encore largement inexploité⁴.

Notes de bas de page

  1. Organisation maritime internationale, « Fourth IMO GHG Study 2023 » ; https://www.imo.org/en/OurWork/Environment/Pages/2023-IMO-Strategy-on-Reduction-of-GHG-Emissions-from-Ships.aspx
  2. Karlsruhe Institute of Technology, « Mannheim 001 pilot plant inauguration » ; https://www.kit.edu/kit/announcements/2025_0123.php
  3. Science Direct, « méthanol renouvelable » ; https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1364032114001452
  4. La Tribune, « Dossier sur le potentiel énergétique des eaux usées en France » ; https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/energie-renouvelable-le-potentiel-des-eaux-usees-783006.html

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