Bruno Besche-Commenge, sociolinguiste : pratiques agropastorales et préservation des milieux

 

A quelques jours des « Rencontres Pyrénéennes des territoires et savoirs » à Ayzac-Ost dans les Hautes-Pyrénées, nous avons rencontré le premier des intervenants, le sociolinguiste Bruno Besche-Commenge. Il a travaillé essentiellement sur les techniques et savoirs agropastoraux et notamment sur l’histoire des races bovines et ovines pyrénéennes. A travers deux questions, il nous livre quelques éléments de son intervention

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Vous allez intervenir aux « Rencontres Pyrénéennes des territoires et savoirs » sur un volet historique. Qu’est-ce que l’histoire peut apporter aux pratiques d’aujourd’hui ?

Beaucoup ! Et notamment le fait de comprendre que les situations contemporaines, avec leurs faces claires et sombres, ne sont pas plus « naturelles » que ne l’est le milieu pyrénéen lui-même ; milieu « semi naturel » né de l’interaction de l’activité humaine et de ce que ce milieu permet.

En ce sens, je vais essayer de montrer dans mon intervention comment cet aspect trop souvent oublié de la biodiversité, les races d’élevage pyrénéennes, n’a pas été marginalisé parce que « naturellement » ces races avaient démérité, mais pour de tout autres raisons, complexes au demeurant.

Et leur redécouverte aujourd’hui (elle est un axe central de nos « Rencontres ) s’inscrit dans une réflexion globale qui amène à une redéfinition des rôles et places de l’élevage extensif dans nos systèmes de production alimentaire. Ce n’est pas rien !

A partir des connaissances historiques, quelle place peuvent avoir l’homme et les animaux dans un milieu que l’on veut protéger ?

Parce que ce milieu est semi-naturel, le préserver c’est justement préserver ou retrouver, sous des formes contemporaines, les logiques qui l’ont lentement élaboré. Ainsi, la fermeture des milieux, notamment à l’étage intermédiaire, n’est pas la conservation mais la perte de tout ce que ces zones mixtes offraient à la fois en richesse biologique et en cadre essentiel pour l’agropastoralisme. Chercher à relancer une activité pastorale dans ces zones, voire permettre leur réouverture, ce n’est pas détruire la nature, c’est au contraire permettre de retrouver cette très ancienne conjonction entre production pour nourrir les hommes et richesse des milieux.

Cette nécessaire conjonction est aujourd’hui une nécessité reconnue aux plus hauts niveaux.

Niveau mondial, FAO/ONU : « Les paysages créés par la coévolution de l’élevage et de la végétation ressemblent souvent à des zones sauvages pour les étrangers /…/ la disparition des systèmes traditionnels de pâturage tend à s’accompagner de pertes importantes de biodiversité. » (Gardiens de troupeaux, gardiens de biodiversité – FAO -Animal Production and Health Paper. N° 167. Rome – 2009).

Niveau européen : « Plusieurs travaux de recherche ont permis d’établir clairement les liens existant entre les pratiques agricoles et la diversité biologique; les systèmes traditionnels d’exploitation agricole européens en offrent un excellent exemple » (Commission des Communautés européennes: Plan d’Action en faveur de la Diversité Biologique dans les domaines de l’Agriculture – mars 2001).

Et la région Midi-Pyrénées, dans son récent « Diagnostic partagé et Orientations pour la biodiversité en Midi-Pyrénées » de juillet 2009 soulignait : « maintien de la biodiversité et très bon maillage biologique de ce secteur avec des systèmes agricoles traditionnels et extensifs tels que le pastoralisme». Elle ajoutait : « Les craintes portent surtout sur le devenir de ces activités au regard des mutations socioéconomiques en cours et à venir. Ceci est particulièrement inquiétant dans les secteurs montagneux pourtant très riches sur le plan écologique grâce aux bonnes pratiques passées et actuelles. »

Il n’y a vraiment pas opposition entre ces pratiques agropastorales et la préservation des milieux. C’est même exactement le contraire.

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