Après le succès de ‘Fanatic Search’ en 2008, un grand documentaire de près de deux heures sur la vie de fanatiques de l’escalade (Andrada, Sharma et compagnie,…), Laurent Triay a décidé de remettre le couvert pour un deuxième volet dédié à l’escalade féminine. Ce serait le second opus en France à traiter de la grimpe féminine après le « Escalade au féminin » de Marc Cotto en 2006. Néanmoins, le thème est d’actualité si l’on considère le cinéma slovène qui fait la part belle aux grimpeuses, à l’exemple de Jure Brecelnik et de son « Chalk and chocolate » centré sur Natalija Gros. Mais ici, tout en gardant le thème du fanatisme et de la passion, fil directeur de son premier opus, le réalisateur s’est ici attaché à mettre en avant l’évolution d’une grimpeuse à travers les âges à travers des portraits de différentes grimpeuses et de tranches de vie rassemblés en thèmes.
Après un préambule à la fois original et surprenant, nous découvrons Brooke Raboutou, fille du couple de retraités de la varappe Robyn Erbesfield-Didier Raboutou. A 9 ans, Brooke a déjà la fibre et fait preuve d’une maturité certaine dans son escalade couplée d’une saine motivation ! Sous ses allures de poupée, se cache déjà une guerrière prête à se battre comme une lionne dans les voies comme ici dans « Big bang », 7c+ classique de St-Antonin Noble-Val, sa résidence d’été où elle et son frère s’attachent à cocher tous les devoirs verticaux de vacances dégotés par Robyn. Pour qui a déjà eu la chance de l’observer grimper, sa capacité à ne jamais abandonner (quels que soient la difficulté et le caractère morpho des mouvements) est complètement médusante. Un grand trait de caractère. Et surtout une énergie débordante que s’efforce de canaliser quotidiennement Robyn sa maman. Mais à coup sûr déjà un plaisir intense de pratiquer !
S’en suit un épisode qui traite de la ‘soit disante’ performance exceptionnelle de Charlotte Durif au pic St-Loup cet été, perf qui serait de premier ordre si elle était confirmée mais à laquelle nous avons du mal à croire compte tenu de l’absence de témoins, et en raison de nombreuses incohérences ou arrangements avec la réalité déjà avancés par Charlotte dans le passé sur pas mal de ses précédentes réalisations. Tout le monde le colporte et vient nous en parler, mais personne ne souhaite être celui par lequel le scandale arrive. De notre côté, notre confiance ayant été de nombreuses fois ébranlée par des réalisations douteuses et de nombreux témoignages contradictoires, nous ne publions plus sur Charlotte que preuves à l’appui (position adoptée en concertation par de nombreux médias du milieu grimpe). Pour ceux qui veulent en savoir plus, nous vous renvoyons à l’article relatant la performance paru sur le blog de Charlotte ainsi qu’au récent article sur le sujet paru dans le dernier numéro de Grimper (Premier 8c à vue féminin : l’exploit en question, décembre 2010-janvier 2011), qui a défaut de prendre réellement parti, expose succintement la problématique des médias. Concernant le film, Laurent y croit et le met en scène. On retiendra de cette séquence la beauté de l’endroit, le pic St-Loup, semblant une destination d’été très attrayante au vu de son accès, de sa configuration et de son panorama.
Le 3ème chapitre est époustouflant : « l’insouciance » de Nina Caprez est magnifiquement mise en valeur dans des images live sur sa réalisation en libre de la grande voie « Ultime démence » (150 m, 8a+, Verdon). Comment ne pas avoir les mains moites en la voyant évoluer dans des mouvements si parfaits sur un calcaire exceptionnel. Comment ne pas être enthousiaste en la voyant s’exclamer après la réussite de chaque longueur en libre ? Il en est de même avec l’épisode suivant, nous faisant partager en direct le premier 8c de l’espagnole Daila Ojeda. Un moment sincère où tout semble aller comme sur des roulettes : la magnifique falaise d’Oliana, la superbe voie de continuité de « Fish eye », la récitation impeccable et la précision gestuelle de Daila Ojeda, Chris en assureur contemplatif,… Les points d’orgue du DVD pour moi. La joie et la libération après de dures séances de labeur et d’échec sont véritablement palpables. Le film bascule ensuite dans un aspect plus documentaire avec une immersion dans le quotidien de mères de famille au pied des spots de grimpe via des portraits de Bertha Martin, avec à la clé des images sur Albarracin et Cuenca. En fin de film, deux magnifiques portraits des légendes américaines Robyn Erbersfield et Lynn Hill sont dressés. A visionner avec respect ! Le côté « plein les yeux » revient juste au milieu sur une partie consacrée à l’esthétique « Tom et je ris » (8b+, 50 mètres) au Verdon où la cordée Marti/Cufar semble avoir partagé un moment exceptionnel.
A la fois plus abordable que « Fanatic search 1 » car moins élitiste et peut-être plus abordable pour un grand public, « A girl thing » demeure un témoignage sincère et prenant sur les différents moments de la vie verticale d’une femme. Les thèmes chers à Laurent sont présents dans le film : l’épanouissement et le côté humain des grimpeuses, la beauté des sites naturels mis en avant, une immersion réelle dans l’ambiance d’un moment de vie quotidien, un certain esprit positif,… On attend déjà impatiemment le 3 !