EXPEDITION Filmer en altitude, une obsession

Guide de haute montagne et cinéaste, François Damilano est au Pakistan pour une nouvelle expédition himalayenne. Pour Libération, il distille quelques cartes postales d’altitude depuis le K2. Septième chronique.

«Je tourne pour voir comment ça tourne»
Alain Resnais

Dîner au camp de base après notre quatrième run en altitude. Laura me glisse: «Dès que tu es en altitude, tu es caché derrière ta caméra. On ne t’entend plus, on ne te voit plus.»

À travers le cadre d’un objectif, changer son regard. S’obliger au pas de côté, au zoom indiscret. Élargir le champ de vision au grand angle ou s’efforcer à la prise de distance pour embrasser la scène.

Cinéaste et «participant-observateur» au sein de l’expédition, j’empoigne ma question des hauteurs en filmant.

Sur la montagne, profiter de mon savoir-faire de grimpeur, de mon expérience de guide pour m’affranchir de toute contrainte extérieure et me faire oublier. Interagir aussi peu que possible sur le quotidien et suivre Sophie pas à pas.

Sophie Lavaud, comme fil rouge du questionnement intime sur l’art de grimper les plus hautes montagnes du monde. Le K2, fameux second sommet de la Terre est son sixième Graal. D’un challenge sportif commencé en 2012 sur les pentes de sommets tibétains, s’interroger sur cette drôle de quête d’absolu(s). On ne vient pas gravir le K2 par hasard. Montagne révélatrice idéale, celle qui broie tous les subterfuges.

Et la question — toujours sous-tendue — n’est pas (n’est plus) celle de la performance. Depuis la première ascension italienne de 1954, celle sans utilisation d’oxygène artificielle de l’américain Reichardt en 1978, en passant par la dizaine d’ouvertures de voies nouvelles et de record de vitesse sur le «classique» éperon des Abruzzes, il n’est plus question de parler d’ascension étalon en regard de l’histoire himalayenne contemporaine. Non, au sein d’une «expédition guidée» et soutenue par une équipe pakistano-népalaise, le sujet est évidemment ailleurs. Même si l’ascension reste aléatoire et difficile — engagée — comme aime à dire les alpinistes.

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