Finance – Nature – Accélération de l’écologie de marché

Quand les pouvoirs publics transforment la nature en ‘capital’ économique et financier…

En 2010, écologistes, politiques de droite et de gauche et bien-pensants poussaient des cris d’orfraie lorsqu’a été dévoilée sur la place publique la financiarisation de la nature. ‘Mais non, vous confondez évaluation et monétarisation… Vous n’y comprenez rien, il s’agit seulement d’évaluer la nature, (dont les paysages etc…) pour faire prendre conscience de son importance et mieux la protéger… !!!’

Six ans plus tard, que voit-on ?

Le ministère de l’écologie et du développement durable, lui-même, vient de publier une brochure intitulée ‘Nature et richesse des nations’ pour tenter de se mettre d’accord sur l’évaluation des ‘biens communs’ naturels (y compris le climat), ce qui n’est pas gagné puisque la nature n’a pas de prix. Peu importe, l’enjeu c’est de mobiliser la ‘croissance’ en intégrant ces ‘évaluations’ dans le jeu économique par la réglementation. ‘Le capital naturel doit être apprécié du point de vue des acteurs économiques : État, investisseurs, banques, entreprises’.

Admirons la franchise du résumé officiel :

1 – l’État est ravalé au rang d’acteur économique, non pour diriger des entreprises publiques qui sont ou vont être privatisées, mais pour se mettre à la disposition des investisseurs, des banques, des entreprises.

2 – La biodiversité (qui a de longues ramifications jusque dans les paysages, la culture, les savoir-faire etc…) et le climat sont cités en exemple de biens communs à évaluer. Ce n’est pas un hasard : le marché carbone fonctionne déjà même si la COP 21 n’a pas réussi à mettre un prix unique à la tonne de carbone. Quant au marché de la biodiversité, il est sur les rails via le système de ‘compensation’. Un système de compensation qui va être avalisé par les parlementaires dans le projet de loi biodiversité (article 33), soyons en sûrs. Un système qui est déjà expérimenté en France (par la Caisse des dépôts avec plus ou moins de succès) et surtout en Grande-Bretagne (la City est intéressée, l’Environment Bank a été créée). Un système qui est tracé par Bruxelles sous la terminologie ‘No Net Loss’, autrement dit ‘Pas de perte de biodiversité’. Pour renflouer les banques, il se pourrait bien que le marché carbone fusionne avec celui de la biodiversité.

3 – Enfin ce résumé officiel du ministère reconnait le véritable enjeu : ‘favoriser les investissements dans les actifs naturels’. Rien à voir donc avec la protection de la nature…

Autre pépite : ce petit bijou éclaire crument la politique environnementale mondiale et nationale qui se résume à appliquer les principes de l’économie néo-libérale dont sont imprégnées nos élites. Elles le sont tellement après leur passage à Sciences-Po, Sciences-Eco, ENA, HEC, etc… qu’elles emboîtent le pas sans sourciller d’Adam Smith qui avait écrit en 1776 ‘La richesse des nations’. Adam Smith, l’un des pères du libéralisme économique…

Françoise Degert

Texte également paru sur le blob Médiapart

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