Interview : Dominique Létang, directeur de l’ANENA

La saison 2012/2013 a commencé avec une série d’avalanches mortelles, dont la plupart des victimes évoluaient sans système électronique de détection (Arva/Recco). L’Association Nationale d’Etude de la Neige et des Avalanches (ANENA) a été crée suite aux dramatiques avalanches de 1970 (notamment Val d’Isère, 39 morts). Elle a notamment pour vocation d’étudier et de sensibiliser au risque d’avalanche. Kairn.com est allé a la rencontre de son directeur, Dominique Létang, pour en savoir un peu plus.

Kairn.com : Dominique, tu es directeur de l’ANENA, peux tu nous dire quel a été ton parcours montagne avant cela ?

Je suis guide de haute montagne depuis 1993 et j’ai passé 28 ans de ma vie dans plusieurs unités de secours en montagne de la gendarmerie (PGHM). Les 10 dernières années, je commandais en second celui de Grenoble. J’ai à mon actif prés de 800 opérations de secours, terrestres, aériennes et souterraines.

Kairn.com : Comment devient-on directeur de l’ANENA ?

En ce qui me concerne, c’est à la suite d’un concours de circonstances. Pour faire simple, on peut dire que l’on est venu me chercher. Mon parcours, mes diplômes et le fait que je sois officier en PGHM ont aidé à ma nomination.

Kairn.com : Quelles sont les missions de l’ANENA

Depuis plus de 40 ans, l’ANENA a la charge de la prévention et la sensibilisation du public face au risque avalanche. Cela passe par des conférences, des formations, l’édition de manuels d’emploi, des dépliants d’information, l’animation de son site web, la publication de sa revue « Neige et Avalanches », le recueil de l’accidentologie, etc.

L’autre grand volet est la formation professionnelle. Nous formons une centaine d’artificiers par an, nous assurons le recyclage d’un millier d’entre eux chaque hiver. Enfin, nous sommes le centre national de la formation des maîtres-chiens d’avalanche (20 équipes cynophiles formées par an)

Kairn.com : Les premiers accidents de la saison montrent un manque d’équipement des victimes (Recco, Arva) a quoi est-ce du et comment y remédier ?

Plusieurs facteurs : une mauvaise perception du risque, en hors-piste notamment. Une quasi méconnaissance du risque lors de la pratique de la randonnée à raquettes (les gens ne savent pas ce que sont les déclenchements à distance), un appel de la poudreuse non maîtrisé…

En revanche, en ski de randonnée, le port du DVA est de prés de 90 %. C’est une réussite, la communication a bien fonctionné au cours de ces dernières décennies.

Comment y remédier : je viens d’y répondre d’une certaine manière !

Kairn.com : Quelles sont les recommandations de l’ANENA concernant l’équipement ?

L’ANENA a émis l’année passée des recommandations quant au port des systèmes électroniques de détection.

Kairn.com : Quel regard portez-vous sur les systèmes ABS et Recco ?

Les ballons de flottaison sont très efficaces notamment en terrain dégagé. Dans la plupart des cas, ils évitent l’ensevelissement, mais ils n’éviteront pas les chutes de barres rocheuses ou les collisions contre les arbres ou rochers.

Le système Recco est un bon compromis pour ceux qui ne désirent (ou ne peuvent pas) s’équiper d’un DVA. Il ne peut être utilisé en auto-sauvetage par les compagnons et implique donc le déplacement des secours spécialisés.

Je pense que les fabricants (vêtements, chaussures, casques) devraient systématiser la mise en place d’un réflecteur Recco dans les produits qu’ils vendent : ce système fonctionne, ne demande aucune formation et sauve des vies régulièrement.

Kairn.com : L’ANENA organise l’ISSW en 2013, que peux-tu nous dire de cet événement ?

C’est un congrès à la fois technique et scientifique qui porte sur la science de la neige. C’est l’événement majeur chaque année aux états-Unis et au Canada, que ces deux pays organisent en alternance. Et pour la deuxième fois seulement, ce congrès sera organisé en Europe. Après Davos (Suisse) en 2009, c’est la candidature de la France qui a été retenue et son organisation confiée à l’Anena et ses partenaires IRSTEA et Météo France. Il aura lieu à Grenoble et Chamonix du 7 au 11 octobre 2013.

Il est destiné à toutes celles et ceux qui sont intéressés par la neige et les avalanches, professionnels bien évidement, mais aussi simples pratiquants désireux de parfaire leur connaissance dans ce domaine.

Kairn.com : Quelles sont les actions de l’ANENA à l’international ?

Des missions d’observation, d’expertise, en Turquie en ce moment par exemple. Des formations en Argentine (artificiers) et au Chili sous peu. La mise en place d’une formation maître-chien d’avalanche dans ces deux pays après l’obtention par des argentins du diplôme français en décembre 2012, obtenu pendant leur stage organisé par l’Anena. La participation à de nombreuses conférences nationales et internationales. L’ANENA préside actuellement la Commission Avalanche du Comité International de Sauvetage Alpin.

Kairn.com : Un conseil à donner aux pratiquants de sports d’hiver ?

Quelles que soit l’activité, respecter des espacements entre les membres d’un groupe. Il est assez insupportable, au vu de tout ce qui est fait en matière de sensibilisation et de prévention, de voir plusieurs personnes emportées par une même avalanche…

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