Les climato-sceptiques à l’assaut du Giec


Après Copenhague, le groupe intergouvernemental des experts du climat est sous le feu des critiques.



Ils sont regroupés sous le terme de «climato-sceptiques». Sans doute serait-il plus juste de les rebaptiser «gieco-critiques». Depuis le mois de décembre, le Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) est devenu par presse et surtout par blog interposés une cible privilégiée, parfois, de scientifiques reconnus, mais aussi d’experts de pacotille.



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Si l’on remonte le fil de l’histoire récente, la première alerte explose à la fin de l’année 2009. Des milliers de courriels échangés par des chercheurs de l’université d’East Anglia (Grande-Bretagne) sont pillés et mis sur la place publique avec la ferme intention de montrer que les chercheurs qui travaillent sur la question du réchauffement climatique manipulent les données. Les preuves sont inexistantes, mais lorsqu’il apparaît qu’un scientifique a refusé de communiquer des statistiques réclamées par un «sceptique» – ce qui est répréhensible de l’autre côté de la Manche au nom de l’accès aux données publiques – cela suffit à instiller le doute.


Et depuis le début de l’année, ce sont les rapports du Giec qui sont épluchés. Pourquoi aujourd’hui alors que leur dernière livraison remonte à 2007 ? Le fait est que les détracteurs mettent le doigt sur quelques erreurs grossières (erreur de date sur la fonte possible des glaciers de l’Himalaya ou doute sur les conséquences du réchauffement dans la forêt amazonienne) obligeant les responsables du groupe à faire amende honorable. Ces derniers sont fondés à souligner que quelques coquilles dans un texte de 3.000 pages n’ont rien d’extraordinaire, Mais pour leur détracteur, c’est du miel.



«Le débat scientifique est devenu quasi religieux»



En France, ces sceptiques se comptent sur les doigts de la main, ce qui, paradoxalement, leur donne une visibilité énorme, rebondissant d’une interview à l’autre. Serge Galam en est un. Physicien et théoricien du désordre, il n’est pas spécialiste du climat. Ce n’est d’ailleurs pas tellement sur le fond qu’il se prononce mais plus sur la forme. Sur cette idée que le Giec aurait abandonné le domaine de la science pour avancer sur le terrain «d’une croyance collective». Dès lors, les chercheurs ne travailleraient plus que dans une seule direction «alors qu’on ne peut pas prouver la responsabilité humaine». «Les membres du Giec transforment une expertise en vérité. Il faut se méfier des scientifiques coalisés», assure-t-il.


Vincent Courtillot, qui est directeur de l’Institut de physique du globe de Paris, lui emboîte le pas : «Le débat scientifique est devenu quasi religieux» assure-t-il. «Ce que je reproche, c’est la sûreté de leur position, notamment dans le rapport final aux décideurs alors que cette science n’a que vingt ans et qu’il y a encore tellement d’incertitudes.» En donnant la priorité à la lutte contre les gaz à effet de serre «on oublie l’accès à l’eau potable ou l’urbanisation et le traitement des déchets urbains qui sont des problèmes urgents, alors que l’on travaille sur des problèmes incertains dans cent ans».



57 incertitudes fondamentales



Si seulement tous ces contestataires prenaient la peine de lire le rapport complet du Giec, expliquent en substance les scientifiques qui y collaborent, «ils découvriraient que les incertitudes sont inscrites y compris dans le résumé pour décideur», insiste Jean Jouzel, l’un des climatologues représentant la France au sein de l’organisme. Le Giec lui-même pointe 57 incertitudes fondamentales qui compliquent la science du climat rappelle un journaliste de la revue britannique Nature. Une place plus importante doit être faite aux sceptiques au sein du Giec, réclame néanmoins John R Christy, un climatologue critique de l’université d’Alabama dans un blog du New York Times.


Les climatologues ne rejettent pas le dialogue. «Il y a des critiques très constructives», assure Valérie Masson- Delmotte , paléoclimatologue (CEA/CNRS). «Le Giec c’est un état des connaissances», et l’urgence c’est «d’informer dans la plus grande transparence», insiste-t-elle. «Certains réclament que les courriels soient publics. S’il le faut on le fera», précise encore Jean Jouzel.


Mais tous sont énervés par la quantité de fausses informations qui circulent, notamment sur Internet. Naomi Oreskes, de l’université de Californie à San Diego, décodait il y a un an dans une interview au journal La Recherche le travail de certains lobbyistes. Fréderick Seitz, qui a présidé l’Académie des sciences aux États-Unis, fait partie de ceux qui estimaient (il est décédé) que l’on manque encore de preuve sur le climat. Or, dans les années 1970-1980, c’est le même qui travaillait «pour le cigarettier R.J. Reynolds. Il était chargé de diriger un programme de recherche contestant le lien entre la cigarette et le cancer du poumon». Il s’agissait à l’époque «d’accréditer un doute raisonnable», explique la chercheuse.


Pour Jean-Pascal Van Ypersele, l’un des vice-présidents du Giec et professeur à l’Université catholique de Louvain (Belgique), le titre du film d’Al Gore résume parfaitement la situation : Une vérité qui dérange. La bataille ne fait que commencer.

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Photo C.Larcher/CWN/Kairn.com

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