Les Rencontres du Cinéma de Montagne de Grenoble s’exportent à Paris

La 13ème édition des Rencontres du Cinéma de Montagne de Grenoble se déroulera au Summum du 14 au 18 novembre prochain. Avec plusieurs milliers de spectateurs présents par soirée pour assister à des projections gratuites animées par des professionnels, le succès de ce festival est particulièrement  probant depuis des années.
Cette année, Yves Exbrayat, organisateur des Rencontres a décidé de se déplacer dans la capitale et de proposer au public parisien un avant-goût de sa programmation 2011 grâce à une soirée d’avant-première vendredi dernier au théâtre Adyar (Paris 7ème). Une superbe intiative menée à bien grâce à la complicité du Vieux Campeur et de Gérard Neveu d’Allibert Trekking. Au menu, près de 3 heures de projection gratuite devant un public de 300 personnes, avec, cerise sur le gâteau, la présence d’une pleïade d’invités, réalisateurs ou athlètes comme par exemple Stéphane Brosse, Arnaud Petit, Yannick Boissenot ou François Damilano (ce dernier sera l’animateur des Rencontres pour cette année). Une sélection exhaustive avait été opérée avec des courts métrages de ski alpinisme, grimpe, alpinisme, spéléo, highline,… Revue détaillée.

Yves Exbrayat, organisateur

La soirée débute par « Devoluy 360 », un film de 26 minutes d’Arnaud Bayol et Gwen Maribas mariant cascade de glace, course en montagne et base-jump. Les deux réalisateurs mettent bien en avant la beauté du Devoluy, un massif magnifique un peu oublié des alpinistes, alors qu’il est à leurs portes.  Comme quoi il n’est pas forcément nécessaire de voyager pendant des kilomètres pour aller faire des courses exceptionnelles ! Après un début assez paisible, la fin du film propose davantage d’ambaince et d’émotions  avec une séquence impressionnante de base-jump. Malgré le côté amateur de la production, l’entrée dans la soirée est réussie.

Nous avons droit à une escale en Crète en compagnie de Stéphane Brosse et Christophe Moulin pour du ski-alpinisme de haute volée. Stéphane accomplira la performance d’effectuer la traversée du Lefka Ori (50 km, 3000 mètres de dénivellée) en 6 heures, un énorme record alors que les meilleurs locaux ne l’avaient réussi qu’en deux jours ! Un métrage assez speed au final, où la performance prend peut-être un peu trop le dessus sur le cadre, avec cette journée présentée au rythme du contre la montre. Les paysages présentés furtivement sont cependant magnifiques, à la fois débonnaires et uniques : c’est un plaisir de suivre le skieur immergé dans l’immensité de ces grosses collines, le tout avec vue sur la mer.

S’en suivent 26 minutes d’avant-première avec  « Shoshala », un film de Yannick Boissenot (Red Point Movie). Le film relate l’ouverture d’un big wall (700 m) en Himalaya dans la face encore vierge du ‘Shoshala’ (Nord de l’Inde, Baspa Valley) en compagnie des suisses Elie Chevieux et Giovanni Quirici en 2010, le tout à plus de 4700 mètres d’altitude ! Cet opus est aussi un bel hommage à Giovanni, décédé cet été dans la face Nord de l’Eiger. On appréciera particulièrement  cette quête de l’inconnu dans des conditions difficiles, ainsi que le bagou, l’abnégation, l’expérience et le talent de Giovanni pour mener à terme cette expédition dont l’issue paraissait à certains moments bien incertaine. Nous sommes moins impressionné par la qualité du caillou, très terrain d’aventure et par le côté élitiste de la production, assez peu grand public. Cependant, cette petite demi-heure nous aura bien fait voyager et demeure très forte en émotions. La qualité des images est au rendez-vous alors que les conditions de réalisation étaient extrêmes avec tout ce mauvais temps.  Les images d’un Quirici rayonnant à cheval sur l’arête sommitale resteront.

Yannick Boissenot, Red Point Movie

Avec « Walou bass » de Bertrand Delapierre, Arnaud Petit nous amène de nouveau à Taghia au Maroc, une de ses destinations coup de cœur. Flanqué d’Aymeric Clouet du jeune prodige Enzo Oddo, nous le suivons pas à pas dans l’équipement d’une voie dure dans une face déversante impressionnante. Le côté pédagogique séduit, que ce soit pour expliquer le but de cette entreprise ou dans l’encadrement de la jeune pousse dans ses premiers pas en équipement du bas. De plus, la difficulté de l’itinéraire (une longueur en 8c) ainsi que l’engagement des grimpeurs est facilement palpable. On regrettera peut-être le côté un peu court du film et les ambiances locales qui passent un peu au second plan. Dommage que la capture de ces images sur place ait été réalisée dans une durée très réduite (6 jours à peine dixit Arnaud), et que les grimpeurs soient soumis à cette pression temporelle du retour, car on se serait attardé volontiers un peu plus en bas de cette paroi pour assister à quelques essais en libre. Il faudra revenir !

Arnaud Petit au micro

Retour en France avec une production étonnante d’un quart d’heure. « Dans la dent » illustre une exploration spéléo entre quatre amies : la traversée de la dent de Crolles. La qualité des images est superbe, la beauté des concrétions et de ces cavités est bien mise en valeur grâce à une lumière inouïe. La logistique n’a pas du être facile pour réaliser de telles prises. En tant que néophyte nous avons par contre du mal à nous rendre compte de la performance de ces 4 femmes, qui, d’après le synopsis, réalisent une première avec cette traversée qui n’avait jamais été réalisée. Si je ne l’avais pas lu, je ne l’aurai pas su au visionnage du film, qui aurait donc pu être plus ambitieux sur le côté ‘performance’ au vu des images magnifiques extirpées de sous-terre.

Puis un court extrait (6 minutes) très poignant de « Vertiges » d’Ivan Maucuit. Il met en scène le grimpeur parisien Christophe Bichet, atteint d’une maladie génétique qui le laisse en sursis. Le jeune-homme a 25 ans et les médecins lui prédisaient une espérance de vie de deux décennies. A travers ce documentaire très touchant, Christophe explique comment à travers sa passion de l’escalade il arrive à trouver un équilibre, se battre contre la maladie et oublier l’échéance. A la fois sincère et osé, ce court métrage se détachera ce soir par son originalité. En tout cas, une véritable leçon de vie donnée par ce sacré bonhomme.

La soirée se termine en feu d’artifice avec un extrait de « I believe I can fly », peut-être le premier documentaire français abouti sur la highline, un film qui ne manquera pas de susciter des réactions. Un chef d’œuvre signé du talentueux Sébastien Montaz. Passons la superbe séquence de base-jump et venons-en au point d’orgue : un solo intégral de highline ! Nos trippes sont complètement secouées à chaque pas du funambule en solo sur cette sangle tendue au bord du précipice. A la fois pur et sublime avec ce travail autour de l’instant parfait mais aussi complètement haletant et terrifiant. Cardiaques s’abstenir ! La beauté des images, la qualité des ralentis, la musique et l’excellence de la réalisation forment une alchimie proche de la perfection. Nous avons l’impression d’être complètement en immersion avec les Skyliners. La question qui nous taraude ensuite rappelle les débats sempiternels sur la médiatisation du solo en escalade : doit-on montrer ce genre de pratique marginale ? En tout cas, il nous tarde de visionner la version complète de ce documentaire à la fois génial et cinglé qui sera disponible le 11 novembre à 11 h 11 sur SebMontaz.com, qu’on se le dise…

Une partie de la team des Skyliners

Au final, cette avant-première parisienne des Rencontres est bien réussie à travers des productions différentes mais originales et marquantes. Tout le monde a voyagé et apprécié, le tout dans une ambiance décontractée, conviviale et intime. Le tout sans débourser un centime. La satisfaction du chef d’orchestre, Yves Exbrayat est d’ailleurs présente : ce pré-festival pourrait se rééditer l’an prochain dans la capitale. Car en tant que parisien, on ressort du théâtre Adyar un poil jaloux de n’avoir qu’une seule soirée. Un « Wild Water » sur grand écran doit être un moment assez mémorable qui restera pour l’instant dans mes rêves, faute de me déplacer à Grenoble. D’ailleurs quitte à rêver,  rendez-vous dans quelques années au grand Rex comme à la grande époque des Nuits de la Glisse ?

Retrouvez :

le site internet des Rencontres 

le teaser de présentation


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