Photos animalières parfaites ? La supercherie derrière les clichés chocs

Les images d’animaux sauvages capturées dans des postures majestueuses ou des scènes improbables de nature font rêver des millions de personnes. Pourtant, derrière ces clichés sensationnels se cache parfois une réalité moins éthique. Des photographes animaliers primés, acclamés pour leurs clichés époustouflants, utilisent des méthodes qui ne sont pas sans poser question. Et si certains n’ont pas hésité à faire usage de leur créativité pour mettre en scène leurs sujets, d’autres vont bien plus loin.

L’histoire de l’ours et de la louve : une fausse romance

Un exemple frappant est l’histoire de l’ours et de la louve, censés être un duo improbable, partageant une chasse dans une tourbière enneigée. Ce cliché, que beaucoup ont vu comme une belle histoire de « Roméo et Juliette sauvages », s’est révélé être un montage, fabriqué de toutes pièces. Un naturaliste en herbe, Pierre Girard, témoigne de sa surprise après avoir mis en lumière la supercherie : ce cliché, exposé par un photographe primé, avait été créé dans un cadre bien moins naturel que ce que l’on pourrait imaginer.

Ce qui devait être une simple observation de la faune sauvage s’est transformé en un choc pour le jeune naturaliste. En Carélie du Nord, des photographes renommés utilisent des techniques douteuses, comme installer des affûts pour filmer les animaux après les avoir attirés avec de la viande ou des croquettes. Le but ? Obtenir un cliché parfait, au prix de l’intégrité des images et parfois de l’éthique même de la profession.

La supercherie derrière les clichés chocs

Les affûts, un piège bien huilé

Les « affûts » sont des cabanes ou structures temporaires dans lesquelles les photographes attendent des heures pour capturer leurs sujets. Pour attirer les animaux, des appâts comme des cadavres d’animaux ou des croquettes sont utilisés. Ce procédé, bien que très répandu, choque de nombreux photographes qui préfèrent prendre des images authentiques, sans l’aide de ces artifices.

L’un d’eux, le photographe suisse Neil Villard, raconte comment il a été confronté à cette réalité. Il se souvient d’une expérience où il a vu un photographe déposer des croquettes, et l’apparition immédiate d’un ours attiré par l’appât. Cela a été un moment de prise de conscience pour lui, et il a décidé de ne plus jamais recourir à de telles pratiques. Selon lui, la recherche authentique de l’animal dans son environnement naturel est la seule manière de capturer la véritable essence de la faune.

Les prix et les scandales

Malgré ces révélations, certains photographes continuent de gonfler leur ego avec des images créées dans des conditions contrôlées. Olivier Larrey, un photographe primé en 2021, a lui aussi été cité dans des controverses concernant l’utilisation d’appâts. Lors de son succès au concours Wildlife Photographer of the Year, sa victoire a été éclipsée par des soupçons concernant l’origine de ses clichés. Pierre Girard, qui avait posé des questions sur l’utilisation de ces méthodes, a vite vu ses commentaires effacés et son interlocuteur bloqué.

Le président du jury de ce concours, Louis-Marie Préau, a reconnu que certains photographes avaient utilisé des techniques d’appâtage. Cependant, il défendait l’idée que de telles images avaient toujours une certaine valeur artistique. Il se trouve même que des personnalités influentes du monde de la photographie animalière justifient ces pratiques en arguant que ces images ont un rôle éducatif important. L’idée est de sensibiliser le public aux dangers que courent certains animaux, tout en suscitant un élan de curiosité pour la faune sauvage.

L’éthique face à la rentabilité

Le problème, comme le soulignent de nombreux experts, c’est que ces images ne montrent pas nécessairement la réalité naturelle. En créant des scènes parfaites, les photographes risquent d’envoyer un mauvais message et de dénaturer l’image de l’animal dans son habitat naturel. Vincenzo Penteriani, chercheur pour l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), met en garde contre les effets négatifs du nourrissage des animaux sauvages. En apportant des nourritures artificielles, cela peut non seulement perturber leurs comportements naturels, mais aussi favoriser la propagation de maladies et des comportements anormaux.

Cette situation montre à quel point la compétition féroce entre les photographes, alimentée par les réseaux sociaux et les prix prestigieux, peut pousser certains à compromettre leurs principes. Le photographe Camille Poirot regrette profondément cette course à l’image parfaite, qui, selon lui, nuit à l’éthique même de la photographie animalière.

La supercherie derrière les clichés chocs

Des pratiques risquées pour la faune

En fin de compte, les animaux photographiés de cette manière deviennent plus des sujets que des créatures à respecter. Ce phénomène est particulièrement dangereux, car ces animaux s’habituent aux humains et peuvent développer des comportements de dépendance qui les exposent à de nouveaux dangers. Ils deviennent alors plus vulnérables aux prédateurs, à la propagation de maladies, ou pire, à l’exploitation.

L’un des photographes les plus célèbres dans ce domaine, Alan McFadyen, a pris des photos magnifiques des martins-pêcheurs plongeant dans l’eau. Mais il insiste sur le fait que ces images n’auraient jamais pu être prises en utilisant des appâts ou des techniques artificielles. Pour lui, la beauté d’une photo réside dans l’authenticité du moment capturé.

Conclusion : entre éthique et rentabilité

Au bout du compte, la photographie animalière fait face à une question complexe : l’éthique ou la rentabilité ? Si les avancées technologiques permettent de capturer des moments exceptionnels, il est important de se rappeler que chaque photo doit respecter la faune sauvage et la nature. Après tout, un cliché parfait, pris dans un cadre naturel, est bien plus précieux que n’importe quelle mise en scène fabriquée.

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