On connaissait la méthode d’évaluation itérative 3X3. Des outils tels que la méthode de réduction élémentaire jusqu’à la méthode réduction professionnelle étaient déjà largement diffusées. Jusqu’à présent, estimer le risque d’avalanche en montagne nécessitait des capacités d’analyse de terrain et, au pire, une simple opération de calcul mental. Avec un peu d’entraînement et de mémorisation ces méthodes étaient parfaitement gérables par un cerveau humain.
Nous entrons désormais dans l’ère du big data, de l’IA et des algorithmes performants. La communauté des montagnards dispose donc désormais d’outils performants permettant aux pratiquants de préparer une sortie hivernale en délégant une grande partie de l’analyse aux ordinateurs. Bonne nouvelle, ces outils disponibles en lignes sont gratuits. On peut donc remercier chaleureusement l’IGN, la fondation PETZL, camptocamp.org et skitourenguru.ch d’avoir investi du temps et de l’argent pour aider à réduire le nombre d’accidents en montagne. Désormais facile d’accès et simple à utiliser, ces outils doivent inciter les pratiquants à se poser les bonnes questions avant de sortir en montagne (ce qui n’est pas automatique chez beaucoup d’entre nous).
Comment ça fonctionne ? La philosophie des 2 outils est un peu différente. skitourenguru.ch propose, par massif (Belledonne, Lauzière et Beaufortain en France pour le moment), de classer les itinéraires en fonction du niveau de risque compte tenu des conditions du jour. Par exemple, je cherche à faire du ski aujourd’hui pas loin de la maison et j’accepte un niveau de risque important. Voilà ce que skitourenguru me propose :
Selon mes critères un seul itinéraire est en vert (risque faible). Si je suis expérimenté et conscient des risques, je peux choisir un itinéraire orange que je peux détailler :
Le long de l’itinéraire je peux apercevoir les changements de couleur qui m’indiquent quels passages sont plus exposés que d’autres. Par ailleurs, la carte IGN des pentes m’indique l’inclinaison des pentes que je pratique où sous lesquelles je m’expose. Le calcul établi par skiourenguru n’est pas le résultat d’une simple méthode de réduction citée plus haut mais un calcul beaucoup plus complexe prenant en compte, notamment, les statistiques d’accident.
Yeti, lui, est accessible depuis camptocamp. Ici, il s’agit de saisir un certain nombre de données et l’outil colore sur la carte les pentes à risque d’une zone géographique. On peut choisir une méthode de réduction pour débutant, élémentaire ou professionnelle. Selon la méthode choisie, on aura plus de données à saisir mais un résultat plus précis. Par exemple, je veux aller en Chartreuse par risque 2 (mais étant donnée la quantité de neige fraîche, je choisis un potentiel de danger à 5 au lieu de 4 qui est le potentiel classique par risque 2). Et là surprise, la Chartreuse que je croyais si débonnaire est minée. Zoomons sur un sommet très fréquenté après une chute de neige : Chamechaude.
Ah ben tiens, finalement il s’avère qu’aller à Chamechaude par risque 2+ sans précautions particulières (taille du groupe, espacement, ….) peut s’avérer très risqué.
Certains esprits chagrins réticents aux changements critiqueront que les gens se reposeront uniquement sur les outils et plus sur leur cerveau. D’autres les trouveront complexes à utiliser. Alors oui, il est clair qu’un calcul paraissant optimiste de l’outil ne signifie pas une absence de danger. Oui aussi, ces outils nécessitent un accès à Internet que ne propose pas tous les refuges. Néanmoins, on ne peut nier leur apport indéniable dans la phase de préparation de course. Par ailleurs, n’oublions pas qu’ils ne servent que lors de la phase de préparation de la course et plus du tout une fois sur le terrain où les capacités de jugement des humains doivent reprendre le dessus.
Espérons que ce don à la communauté puisse sauver quelques vies cet hiver.