Survie en milieu extrême : les leçons à tirer de l’incroyable aventure des enfants thaïlandais – MAJ

Mise à jour 12/07/2018 : Retrouver une stabilité mentale. C’est ce qui sera le plus délicat pour les 13 personnes qui sont resté coincées 17 jours dans la grotte, dans l’obscurité, sans eau, avec peu de nourriture, sans contact avec leur famille (lire : Sauvetage spéléologique en Thaïlande : ce que l’on sait des conditions et techniques de l’évacuation).

Si des syndromes post traumatiques tels que des cauchemars sont à prévoir, il semble que la présence de leur entraîneur et le fait qu’ils se soient comporté « en équipe » puisse également les aider dans le travail qui va venir de reconstruction. « Ils étaient tous ensemble, comme une équipe, à s’aider. Leur coach a très bien géré la situation », a souligné mercredi Thongchai Lertwilairatanapong, du ministère de la Santé, lors d’une conférence à l’hôpital de Chiang Rai.

Reste qu’un suivi médical serait nécessaire passé un mois si certains des enfants sont toujours en état de choc.

Leur entraîneur, Ekapol Chanthawong, 25 ans, qui a été le dernier à sortir mardi de la grotte, semble être un ancien moine bouddhiste. Et si une enquête est ouverte sur l’incident, il semble dès à présent que la personnalité de cet homme a beaucoup joué dans la survie du groupe.

Certes, l’homme a autorisé ou laissé faire l’excursion alors qu’une pancarte explique, à l’entrée de la grotte, qu’il ne faut pas y entrer entre juillet et novembre, la période de la saison des pluies en Thaïlande.

Reste que les premiers éléments qui émergent de sa personnalité laissent apparaître un homme au caractère particulièrement positif. Apprécié des parents et de sa hiérarchie dans le club de football dans lequel il travaille, il a développé un système pour inciter les footballeurs à bien travailler à l’école. Surtout, il a passé dix ans dans un temple bouddhiste où il a appris a méditer. Et c’est cette technique qu’il a enseignée aux enfants dans la grotte pour les aider à tenir.

Autre élément, les secouristes mentionnent que disent que « Ek », son surnom, a fait en sorte que le groupe adopte des réflexes de survie, comme se blottir en groupe pour garder la chaleur. Il a également donné presque toute la nourriture dont il disposait pour alimenter les enfants.

C’est une aventure angoissante qui n’est pas encore achevée. Les secouristes continuent a essayer de trouver une solution pour évacuer les douze enfants, âgés de 11 à 16 ans, et leur entraîneur de football piégés depuis 12 jours dans une grotte inondée en Thaïlande, à la frontière avec la Birmanie et le Laos.

La montée des eaux est un facteur qui joue contre eux. Le retour de la pluie est annoncé pour demain, et la mousson est là. Une des solutions pour les sauveteurs consisterait à l’aide de pompes de faire baisser le niveau de l’eau pour évacuer les enfants.

Reste que cela est très compliqué à faire : il faut onze heures à un plongeur expérimenté pour faire l’aller-retour jusqu’aux enfants piégés, six heures aller, et cinq heures retour grâce au courant. Le parcours de retour est long de plusieurs kilomètres dans des boyaux sinueux, avec de difficiles passages sous l’eau rapporte l’Express. La cavité où sont les rescapés est située à 4 kilomètres de la surface.

Piégé dans la grotte par la mousson

C’est à cause des pluies de mousson que les enfants se sont retrouvés piégés dans la grotte le 23 juin dernier. Ils avaient décidé de s’y rendre après leur entraînement avec leur jeune coach âgé de 25 ans.

La vidéo des enfants tournée lundi soir.

Lundi soir des plongeurs britanniques venus en renfort avaient tourné une vidéo montrant les membres de l’équipe de foot en vie. On y voyait les enfants amaigris et coincés sur un bout de rocher depuis 9 jours. Depuis leur sort s’est amélioré. Des secouristes se relayent à leurs côtés, fournissant de la nourriture et des couvertures de survie.

« Ils discutent de tout et de rien avec les plongeurs. Ils parlent, mangent et dorment » assurent les autorités. A noter que les tentatives d’installation d’une ligne téléphonique ont échoués. Mais les enfants sont jugés « en bonne santé », selon la marine thaïlandaise, qui a publié mercredi une deuxième vidéo d’eux. Ils ont tous été examinés par un médecin militaire.

Piégé sous terre depuis 12 jours, ne sachant pas pendant les 9 premiers jours s’ils mourraient de faim ou se noieraient, les garçons de l’équipe de football, enfermés dans un système labyrinthique de grottes dans le nord de la Thaïlande, ont déjà bénéficié d’une chance : celle d’être une équipe organisée comme une unité cohérente avant que la catastrophe ne se produise. Le fait d’être en groupe peut être déjà très salvateur en situation de survie, contrairement à des situation beaucoup plus solitaires (lire : Un spéléo oublié dans une grotte par ses compagnons pendant 3 jours !).

La cohésion, premier outil de la survie

De fait, la survie en groupe dans des environnements extrêmes exige du leadership, du travail d’équipe et des rôles spécifiques. Et oui, les membres d’une équipe de football connaissent déjà ses besoins. Par ailleurs, semble t-il, cette cohésion est renforcée par la présence de leur entraîneur âgé lui de 25 ans.

Comme les mineurs chiliens pris au piège dans une mine de cuivre pendant dix semaines en 2010, ces jeunes garçons ont une histoire commune et peuvent accepter une hiérarchie de rôles qui permet de diviser et de partager les tâches de survie.

« Tenez bon! » a justement lancé au groupe d’enfants Mario Sepulveda, un des 33 mineurs chiliens, désormais célèbre après le sauvetage épique réalisé en 2010 après 69 jours sous terre.

La technique des petites tâches

« La survie dépend d’une série de petits objectifs, et une série de tâches qui peuvent être accomplies, et qui sont donc réalisables, pertinentes à l’état de survie, et qui sont dans la bonne séquence » explique au site Wired Mike Tipton, physiologiste de la survie au département des sciences du sport de l’Université de Portsmouth.

Dans ces conditions, « vous n’êtes plus simplement assis à penser : ‘Et si je suis encore là dans deux semaines ? Et si je suis encore ici dans deux mois ?’ Vous pensez : ‘Dans une heure, j’aurai besoin d’avoir fait ça’. Tout est une affaire d’objectifs à court terme que vous réussissez à atteindre. Le problème de beaucoup de survivants, ou de victimes si vous voulez, c’est qu’ils voient tout cela comme beaucoup trop grand comme objectif. Donc ils ne commencent jamais. Ils abandonnent. »

La clé de la survie dans la situation des mineurs chiliens était leur décision immédiate de rester actif, d’inventer des tâches quotidiennes qui transformaient les interminables heures d’attente en une série de corvées – créant un sens des responsabilités et un destin partagé.

« Devenir actif et faire les bonnes choses »

« Il y a trois façons de réagir dans ce genre de situation » explique Mike Tipton, qui a passé des décennies à étudier la survie dans des environnements extrêmes. « Vous pouvez simplement vous figer. Ou devenir très actif et faire les mauvaises choses. Vous pouvez aussi devenir actif et faire les bonnes choses. Et, bien sûr, dans cette dernière catégorie ont trouve la plupart du temps ceux qui survivent. »

L’équipe de foot thaïlandaise a déjà surmonté le premier défi de toute survie de long terme : elle a traversé trois premiers jours atroces, une période au cours de laquelle de nombreuses victimes de catastrophes succombent.

« Si vous vous réveillez au quatrième jour de survie et que vous n’êtes pas mort, alors vous avez passé un cap psychologique important » explique John Leach, chercheur à l’Université de Portsmouth. « Ensuite, après environ trois semaines, beaucoup de gens auront tendance à s’écrouler. Ils deviennent soudainement déprimés ».

L’humour, une signature caractéristique de la survie

L’humour sera alors essentiel pour rester unis et être capable de flotter mentalement, explique John Leach, qui travaille beaucoup avec les survivants de prise d’otage, les prisonniers et les victimes d’enlèvement. « L’humour est une signature caractéristique de la survie. Et dans une situation de survie, c’est la première chose qui fonctionne. Quand nous parlons d’une personne qui a un « problème de sens de l’humour », cela signifie qu’il a des problèmes. »

A l’heure où les secouristes planifient l’extraction des garçons à travers des tunnels inondés, des psychologues et des spécialistes de l’enfance se préparent à travailler avec les victimes pour les aider à gérer les à améliorer les conséquences d’un traumatisme qui va bouleverser leur vie.

Bien que la partie la plus pénible de l’épreuve de ces footballeurs piégés soit derrière eux, la gestion des trous d’air mentaux et des cicatrices psychologiques à venir doit encore être considéré.

Gérer la suite

« Parfois, le traitement peut être pire que le non-traitement » explique Peter Levine, auteur de Waking the Tiger, Healing Trauma. « Certains traitements permettent à la personne de revivre toute la douleur, la dépression et l’agonie. Ça ne marche pas. Ce que vous devez faire, c’est aider la personne à revenir dans son corps et à revenir dans le temps présent. Parfois, vous revisitez des souvenirs. Mais la simple reviviscence de la mémoire est en général, à mon avis, souvent nuisible. Je dirais que certaines thérapies pourraient être utiles, mais pas la thérapie par la parole. C’est assez limitant. Ni ce qu’on appelle « thérapie d’exposition » où vous faites en sorte que la personne revive le traumatisme. »

Mike Tipton avertit également que les heures immédiatement après le sauvetage peuvent être fatales. « Nous savons qu’il y a une situation où l’état de santé des gens se détériore parfois jusqu’à provoquer la mort juste avant qu’ils ne soient secourus. Je ne le mentionne que parce que c’est l’envers de la médaille. Lorsque les gens se sont retrouvés dans une situation où ils se sont montrés prêts à survivre, un bateau de secours arrive et ils se détendent. Ils se détendent au point où ils s’effondrent … et leur état se détériore considérablement. Cela a été constaté dès la Seconde Guerre mondiale. »

John Leach indique également que les remèdes de santé mentale post-traumatiques sont souvent trop simplifiés et mal compris. « Il y a beaucoup de discussions en ce moment sur une chose appelée résilience » dit-il. « Mon argument à ce sujet, c’est que si vous avez traversé une situation de survie, si vous avez passé du temps dans un camp de prisonniers de guerre, ou si vous avez été pris en otage, ou si encore vous avez survécu en mer, vous ne retournerez pas à ce que vous étiez avant. Vous ne serez pas la même personne que ce que vous étiez avant. Vous avez changé. Donc, quand vous revenez, le monde autour de vous a changé aussi. Le danger est que vous vous attendiez à ce que le monde qui vous entoure soit le même, et vous vous attendiez à être le même. »

Revenant à la vie après dix semaines piégé sous terre, l’un des mineurs chiliens a dit après s’être regardé dans un miroir : « Ces yeux ne sont pas mes yeux. »

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